Introduction : du christianisme à l'islam À l'aube du VIIe siècle, l'Ifriqiya, et avec elle l'Algérie antique, allait entrer dans un nouveau paradigme de l'histoire, lorsque surgirent à l'horizon des cohortes d'Arabes porteurs de l'étendard de l'islam au Maghreb. La conquête arabe se heurta à des insurrections berbères et une farouche résistance dirigée par la prestigieuse reine berbère Dihya (Kahinna) et Koceila. Et par la suite, c'est à la faveur d'une reconnaissance de souveraineté des messagers de la nouvelle religion répandue par les troupes de Oqba Ibn Nafi que s'engage un lent processus d'arabisation et d'islamisation de la contrée. Cours évolutif historique auquel consentirent des tribus berbères, adoptant une spiritualité et un modus vivendi collectif, intégrant de ce fait parmi les peuplades amazighes embrassant la nouvelle religion qui succéda au judéo-christianisme antérieur présent dans la communauté nord-africaine autochtone. La nouvelle religion en s'établissant progressivement ne tardant pas à s'étendre à l'ensemble du Maghreb d'alors qui donnera par la suite en la personnalité du chef berbère Tarek Ibn Ziyad, et autres grandes figures du savoir et des lettres, un des plus brillants représentants universels de l'islam dans l'histoire. Comme surgit dans la contrée quelques décennies plus tard une certaine littérature berbère d'expression arabe, usant de l'idiome de l'arabe mais se caractérisant indéniablement par son cachet spécifiquement autochtone - amazigh local, grandement favorisée par des berbères arabisés surtout. Ceci, alors qu'en maintes circonstances, des lettrés ont transcrit directement en graphie arabe des expressions multiples (ou œuvres diverses) du berbère qui ont été ainsi restituées telles quelles dans leurs articulations berbérophones originales approximatives, (comme c'est le cas des Iraniens transcrivant leur langage perse en graphie arabe), tandis que d'autres littérateurs, par contre, avaient préféré opter carrément pour la traduction intégrale en arabe littéral ou dialectal, - pour des commodités d'usage, - de leurs diverses œuvres littéraires, exégétiques spirituelles, traités sociologiques, historiques, médicinaux et autres artistiques, etc., extrêmement variés. Productions de l'esprit qui se sont étalées et affirmées tout au long du cours évolutif de l'histoire du pays, jusqu'à connaître la consécration hors frontières, sans qu'elles eussent cessé, un jour, d'arborer leur puissant et fier cachet d'authenticité maghrébo-amazighe, inscrit dans la quintessence enracinée de la spécificité caractéristique de l'algérianité multimillénaire. L'avènement de l'islam au Maghreb "La conquête arabe du Maghreb fut lente et difficile. Les historiens arabes ont souligné l'acharnement de cette guerre (641- 711). Mais lenteur et difficulté ne s'expliquent pas exclusivement par le refus berbère. Les chocs décisifs se produisent autour des Aurès et dans la région de Tlemcen, où les Berbères trouvaient une structure étatique capable de les diriger. Les héros de l'indépendance berbère au moment de la conquête sont Koceila et la Kahina. Le stratège de la conquête fut sans conteste Oqba Ibn Nafi. La conquête arabe fut d'abord une reconnaissance de souveraineté. Elle ne signifie ni islamisation ni arabisation qui se feront au cours d'un lent processus historique."(1) L'historien nous apprend que tout le VIIIe siècle fut marqué d'insurrections, les Berbères réagissant contre les exactions fiscales des Omeyyades. Les soldats débarquant au Maghreb apportaient avec eux leurs schismes et rivalités (Omeyyades contre Hachémites, Abbassides contre Alides), comptant surtout parmi eux des Kharidjites. Ces derniers connus pour leur piété stricte, leurs modestes origines des contrées désertiques et leur désintérêt pour les fastes des villes se répandirent à partir de 741 dans tout le Maghreb central qui affirma ainsi son autonomie sous l'emblème kharidjite. Schisme qui n'était pas sans exprimer une certaine caractéristique typique de l'autonomie berbère, selon l'historien Abdallah Laroui qui voit dans l'islamisation submergeant toute l'Afrique du Nord un acquis précisément de cette autonomie spécifique. C'est ce qui aurait contribué à favoriser l'extension de l'islam dans l'ensemble de la péninsule maghrébine, et partant la symbiose arabo-berbère. Par la suite ce sont non seulement les Arabo-Berbères musulmans, mais les Berbères islamisés qui poussent leur expansion de l'autre côté des eaux méditerranéennes (Tarek Ibn Ziyad), agrandissant ainsi la grande Provence de l'Ifriqiya de leurs conquêtes hispaniques. C'est l'époque d'une littérature médiévale des premiers écrits en langue arabe qui fleurissent dans un Maghreb éclaté en multiples royaumes : voyageurs, historiens, théologiens, juristes, philosophes et grammairiens firent rayonner la contrée à cette période de l'apogée de la civilisation musulmane, nombre de savants et littérateurs maghrébins allant parfaire leur formation en Orient ou en Andalousie (comme Ibn Toumert, mahdi almohade qui fonde un nouvel Etat englobant le Maghreb et une partie de l'Espagne andalouse) La culture arabo-musulmane privilégiant fondamentalement les sciences coraniques, juridiques et théologiques, mais la philologie et l'histoire, entre autres, y avaient une large place tout comme la littérature, qui ne saurait, au moins jusqu'à la période contemporaine, se détacher de l'ensemble socioculturel qui s'établit naguère des frontières de l'Inde à l'Espagne même géographiquement. Il y a un perpétuel va-et-vient entre les différentes parties de l'empire. De nombreux savants, hommes de lettres et théologiens vont se former en Orient et ailleurs, ces écrivains, philosophes, rhéteurs, etc., témoignant de cet esprit voyageur nomade constituant, dirait-on, une seconde nature caractérisant depuis longue date les quêteurs maghrébins de savoirs, d'arts divers et d'expériences spirituelles. L'autre remarque qui s'impose concerne la notion même de littérature, car comme le souligne à juste titre Dr Azzedine G. Mansour dans son étude sur les littératures maghrébines : "Si l'on s'en tenait à l'acception européenne du terme on ne retiendrait guère que la poésie et ce serait mutiler gravement la réalité de la culture arabo-islamique. Celle-ci privilégie fondamentalement des disciplines comme les sciences coraniques, juridiques, théologiques. La philosophie et l'histoire tiennent une place importante. Poésie et prose littéraire, ce qu'en somme il est convenu d'appeler les belles-lettres, n'y sont qu'un complément indispensable certes, mais à quoi un lettré (adib) ne saurait limiter sa formation." (Encyclopédie Universalis, version interactive 7.0). Rappelons pour la circonstance que Mohamed Arkoun, l'éminent chercheur en islamologie, disait que le lettré musulman traditionnel était à la fois un "adib" (littérateur), un "âlim" ( savant linguiste, historien...) et un "faqih" (théologien, juriste, philosophe), ce qui l'immunisait contre le risque du rigorisme sectaire. M. G. Auteur-journaliste indépendant Notes (1) Cf. L'Algérie : histoire, société et culture, Collectif, chap. I de Mohamed Ghalem, p.17, Casbah Editions, Alger 2000).