Je me suis souvent demandé pourquoi les musulmans de la première génération (nos parents et grands-parents) – dont la majorité n'avait pas fait d'études – qui avaient très peu de connaissances en matière de religion, étaient pourtant naturellement ouverts, courtois, sympathiques et tolérants. Ils partageaient le peu de chose qu'ils avaient, inspiraient confiance et leurs portes étaient toujours grandes ouvertes. Bref, ils étaient plus sages, plus pondérés et plus empathiques. En revanche, beaucoup de jeunes musulmanes et musulmans aujourd'hui disposent indéniablement de connaissances très poussées par rapport à leurs parents – surtout en matière de religion – mais se montrent parfois méchants, agressifs et blessants sans raison apparente. Pourquoi se laissent-ils dominer par la colère ? Et pourquoi s'en prennent-ils très facilement et ouvertement à toutes celles et ceux qui ne partagent pas leur avis en maniant l'insulte vulgaire. Bref, ils sont plus émotifs, plus excessifs et plus dogmatiques. Est-ce la peur, les fragilités, les souffrances, les blessures intérieures, le manque de confiance en soi ou tout cela à la fois ? Face à un "méchant", il faut toujours commencer par se demander ce qui le fait souffrir, comprendre les raisons de son agressivité et essayer de découvrir d'où provient l'expression de tant de haine. Comprendre la méchanceté de nos semblables nous permet de découvrir les potentialités de destruction qui résident à l'intérieur de nous même, nous aide à maîtriser notre propre violence en réponse à la violence et nous apprend comment transformer notre hostilité en compassion. Nous devenons ainsi plus tolérants et pouvons alors facilement offrir l'amour et le pardon à ceux qui veulent nous imposer la haine comme le recommande le très beau verset : "... ceux qui font l'aumône dans l'aisance ou dans la gêne savent dominer leur colère et pardonnent à leurs semblables, car Dieu aime les bienfaiteurs" (Coran 3/133-134). A. G. Universitaire et recteur de la mosquée de Villeurbanne (France)