« La quatrième épouse » est le dernier roman de Kaddour M'Hamsadji, sorti aux éditions Casbah. Le livre de 382 pages s'inscrit, selon l'auteur, dans le cadre d'une thématique générale ayant déjà enfanté deux livres : « Le silence des cendres » et « Le rêve derrière soi ». Le roman de M'Hamsadji ouvre sur un problème qui mine encore la société algérienne, celui de l'inégalité entre les hommes et les femmes dans le partage de l'héritage. C'est d'ailleurs cette « injustice » qui poussera hadj Bakir Ghouzlani, le personnage principal, à convoyer en 4ème noce, pour avoir un fils et protéger sa famille, dont ses quatre filles, avant de quitter ce monde. « Bakir, qui avait constitué ses biens sans jamais avoir reçu d'aide de son frère, ne trouvait pas logique que ce dernier eût droit –encore moins ses enfants mâles- à une part dans la succession », écrit l'auteur, en signalant que hadj Bakir est installé dans sa maison de campagne, ayant appartenu au gros propriétaire terrien Georges Withman, un des colons les « plus extrêmes en violence » de la région. Une maison qu'il a héritée de son père. Le reste du récit relate l'histoire d'un « homme simple », un habitant de la petite ville de Birkhadem, près d'Alger qui, pendant la Guerre de libération nationale, avait rejoint les maquis de l'ALN, dans la région de Soûr El Ghouzlâne. Après plusieurs années de veuvage, l'ancien enseignant devenu, aujourd'hui, un vieillard, est sur le point de se remarier avec Safia, une jeune femme « immariable ». Mais, avant de rejoindre sa jeune et jolie femme, l'ancien combattant de l'ALN se retire dans son coin de prière et plonge dans les vagues profondes du passé, pour un dernier adieu à ses trois premières épouses : Christine, fille d'un pied-noir originaire de l'Andalousie et petite-fille du colon Georges Withman ; Thafsouth, la fille d'Azazga (Kabylie) devenue médecin pour servir la Révolution ; Dhrifa, la femme au « visage angélique » et à « la tendresse infinie ». Assis là sur son tapis de prière, hadj Bakir se remémore ses compagnons de lutte, ses amis et ses parents. Hadj Bakir est remonté trop loin dans le temps. Etait-il vraiment prêt à vivre une vie nouvelle ? Parviendra-t-il surtout à sortir indemne de ce long voyage ? Au lecteur de le découvrir ! Une fiction sur les rapports humains La fiction romanesque de Kaddour M'Hamsadji qui a, à son actif, une vingtaine d'ouvrages, de même que des scénarios de films et des articles de presse, est un « roman des rapports humains » qui porte sur « quelques » aspects de la vie quotidienne de la société, pendant et après la colonisation. Il raconte l'amour, l'amitié et les relations familiales, ainsi que la relation entre la communauté des pieds-noirs, y compris celle engagée dans les rangs de l'OAS, et celle des autochtones. Sans faire trop de bruit, le livre s'interroge sur « l'émancipation » de la femme et de l'homme. De plus, comme le relève l'auteur, « tout comme l'Algérie, la femme est ‘'dépossédée'' de sa personnalité et (...), tout comme le peuple, l'homme est ‘'spolié » de son pur héritage civilisationnel. Au détour de discussions rapportées dans le livre ou à travers des portraits et autres descriptions qui y sont présentés, M'Hamsadji, à la fois jeune et homme de son époque/ temps, puise dans sa longue expérience, dans ses souvenirs et ses lectures, pour colorer son récit : échanges sur « L'Etranger » d'Albert Camus, « clin d'œil » aux traditions musulmanes, réflexions sur la vieillesse, émerveillement devant la beauté architecturale, lumière sur le mode vie d'autrefois, partage d'un poème de la résistance de Paul Eluard, hommage à la résistance algérienne et aux « nombreux Français et pieds-noirs d'Algérie » ayant aidé la Révolution de novembre 54. Mais, après la signature des accords d'Evian, sonne enfin l'heure de la reconstruction : l'auteur témoigne alors des « toutes premières pages de l'Algérie indépendante (qui) étaient déjà pleines de plusieurs années de vies, de récits, de regrets, d'espoir aussi ». Kaddour M'Hamsadji, né à Sour El-Ghozlane, le 8 août 1933, est issu d'une vieille famille de la Casbah d'Alger. Comme son personnage hadj Bakir, il a fréquenté l'Ecole normale d'instituteurs de Bouzaréah et en sortira enseignant. Ainsi, il aura à exercer les fonctions d'inspecteur d'éducation et de directeur du Centre national d'enseignement généralisé (CNEG), puis de conseiller chargé de la communication éducative au ministère de l'Education nationale (1990-1994). L'auteur, le « dernier survivant » de la génération des pionniers de la littérature algérienne postindépendance, comme il aime à se présenter, a en outre fondé la revue L'Ecole demain, un support didactique de référence, rehaussant son riche parcours d'écrivain, de journaliste et de concepteur d'émissions culturelles. Par ailleurs, il a été membre fondateur de l'Union des écrivains algériens (1963), occupant le poste de secrétaire général adjoint, aux côtés de Mouloud Mammeri (le président) et Jean Sénac (le secrétaire général). Avec « La quatrième épouse », M'Hamsadji confirme qu'il reste encore et toujours engagé dans les combats pour la défense du livre et la promotion de l'éducation et de la littérature.