La sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne va-t-elle provoquer l'isolement de Londres ? Encore sous le choc au lendemain de la victoire du "oui" pour le Brexit, les Britanniques ignorent de quoi sera fait demain. Autant que la presse européenne, les Britanniques se sont réveillés hier encore stupéfaits par les résultats du vote de jeudi, qui ont annoncé la fin de 43 ans d'appartenance de la Grande-Bretagne à l'Union européenne. Première mauvaise surprise du Brexit (sortie de l'UE), le "krach" de la monnaie locale, la livre sterling, atteignant son plus bas niveau depuis 1985. La chute de la monnaie britannique a été accompagnée par celle de la Bourse de Londres. Les titres des promoteurs immobiliers et des banques britanniques ont atteint des niveaux de baisse inattendus, comme ceux de Barclays qui ont chuté de 17,7%, de Lloyds (21%) ou encore ceux de la Royal Bank of Scotland (18,04%). Si l'effet surprise du Brexit a été amorti avec l'injection par la Banque d'Angleterre d'environ 250 milliards de livres, cela ne suffira pas, même si l'économie de la Grande Île est "saine", comme le réclame le Premier ministre David Cameron, dont l'annonce de la démission d'ici à trois mois avait également choqué plus d'un. De nombreux Britanniques qui ont voté pour la sortie de l'UE se disent aussi avoir été trahis, notamment ceux qui ont cru aux promesses du controversé chef politique de l'UKIP, Nigel Farage, un des députés europhobes qui ont axé leur campagne en faveur du "out" sur le volet social. Un des arguments phares de Nigel Farage, tête de file des pro-sortie de l'UE, est le reversement des 350 millions de livres, versées chaque semaine à l'UE, aux caisses de la Sécurité sociale. Cela était pur mensonge, et ce député europhobe le reconnaît lui-même en direct à la télévision après la victoire du Brexit. Ajouté à la chute de la livre, ce mensonge coûtera en effet très cher, notamment aux retraités britanniques qui voient d'un seul coup leur retraite fondre comme neige au soleil. Ceux qui vivent en Espagne, et ils ne sont pas forcément de la classe des riches à la recherche du soleil méditerranéen, sont les plus inquiets. Par ailleurs, et selon les chiffres officiels, ils sont plus de 319 000 ressortissants britanniques à vivre en Espagne, contre 171 000 en France et 100 000 en Allemagne, sur 1,3 million d'expatriés, au total, qui vivent dans l'espace européen. Le krach de la monnaie britannique compromet leurs projets d'investissement dans l'immobilier, en effet, dans ces pays, et obligera ceux qui s'y sont déjà installés à rentrer chez eux. Il en est de même pour ceux qui découvrent qu'ils ne pourront plus bénéficier de soins gratuits en France ou en Espagne. En tant que citoyens européens, ils bénéficiaient jusqu'avant le Brexit d'une couverture médicale totale et gratuite, grâce à un système médical payé par la santé publique britannique, en vertu d'accords bilatéraux. Avec un pouvoir d'achat condamné à la baisse, à cause de la dévaluation de la livre face à l'euro, les Britanniques ne pourront plus se permettre les voyages qu'ils avaient l'habitude d'effectuer vers le Vieux continent. En réalité, parmi les 17,4 millions d'électeurs britanniques qui ont voté en faveur d'une sortie de l'UE, nombreux sont ceux qui affirment avoir été floués ou mal anticipés sur les conséquences immédiates d'un tel choix. Alors que la Grande-Bretagne n'a pas encore entamé la procédure de sortie de l'UE, un processus qui peut s'étaler sur une dizaine d'années pour certains volets (économique, circulation des personnes,...), les Britanniques ignorent en effet de quoi l'avenir sera fait, y compris sur le marché de l'emploi local, déjà très affecté par la crise de 2008 qui a mis sur le carreau les ouvriers du secteur industriel. Remontés contre la politique d'austérité imposée par la Commission européenne dont les membres ne sont pas des élus du peuple, les Britanniques auraient peut-être pu faire l'économie d'un tel choix radical et se seraient peut-être battus autrement, en imposant une autre voie au sein de l'Union, une autre Europe, celle des peuples, une Europe sociale avec d'autres choix économiques que le libéralisme imposé par cette même Commission et une Banque centrale européenne sur la même ligne que le Fonds monétaire international. Lyès Menacer