L'assassinat de Rafik Hariri aura constitué le détonateur d'une épreuve de force entre le pouvoir et une opposition effacée jusque-là. Après les nombreuses manifestations de rue qui ont suivi l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafik Hariri, hier ce fut au tour des étudiants de faire entendre leur voix. En dépit des multiples mises en garde contre tout trouble à l'ordre public, les Libanais ne cessent de réclamer “l'indépendance réelle” de leur pays, qui ne se concrétisera qu'à travers le départ des quatorze mille soldats de l'armée syrienne. Chaque jour, des milliers de personnes se rendent sur la sépulture de Rafik Hariri et scandent : “Nous ne voulons d'autre armée au Liban que l'armée libanaise.” Le leitmotiv des manifestants demeure le départ de l'armée syrienne du Liban et la lumière sur les circonstances de la mort de Hariri. Il faut dire que derrière cette levée de boucliers, une première du genre au Liban, se dresse l'opposition politique au régime d'Emile Lahoud. Très réservés jusque-là, certainement par peur de représailles, les opposants, encouragés par le soutien occidental, sont enfin sortis de leur coquille. En effet, la pression exercée par George Bush sur la Syrie et par Jacques Chirac sur le pouvoir local a, sans aucun doute, donné davantage d'assurance à Walid Joumblatt et consorts. Une certaine cohésion existe désormais entre les différents acteurs de l'opposition. Celle-ci se traduit par la constitution d'une délégation, qui a rendu visite, dimanche soir, au président du Parlement, Nabih Berri, exigeant une session extraordinaire de l'Assemblée nationale pour débattre de la situation prévalant actuellement au Liban. Parmi les principales revendications figure le départ du gouvernement de Omar Karamé qui devra être remplacé par une structure transitoire ayant pour tâche l'organisation d'élections législatives prévues pour le printemps prochain. À cela s'ajoute l'exigence principale, à savoir le départ immédiat des troupes syriennes. Dimanche soir, les responsables de l'opposition ne se sont pas contentés de rejeter l'offre de dialogue présentée par les alliés de Damas, mais ils ont appelé à des manifestations massives contre le pouvoir. Reste à savoir jusqu'à quand le pouvoir en place à Beyrouth pourra résister à cette levée de boucliers, dont les auteurs semblent déterminés à aller jusqu'au bout de leurs efforts ? Une chose est sûre, la solution est tributaire de la réaction du régime de Bachar Al Assad de plus en plus acculé sur la scène internationale. L'opposition libanaise ne semble nullement disposée à réduire sa pression. Cette pression s'ajoute à celle exercée par l'Occident sur la Syrie et le Liban pour la mise en œuvre de la résolution 1 559 votée en septembre dernier par le Conseil de sécurité de l'ONU appelant Damas à retirer son armée. Même la Ligue arabe s'est mise de la partie pour tenter de dégoupiller cette crise. Amr Moussa s'est rendu en Syrie dimanche, dans l'espoir d'éviter à ce pays un isolement total sur la scène internationale après la montée au créneau des Américains et des Français. Enfin, le dernier bilan de l'explosion qui a coûté la vie à Rafik Hariri s'élève à 17 morts et 220 blessés. K. A.