Au moment du générique de fin, le public, resté sur sa faim, a consenti toutefois quelques rares applaudissements. Le film Chronique de mon village nous embarque dans la vie d'une famille extrêmement pauvre de l'Est algérien, qui subit de plein fouet les conséquences de la guerre de Libération : patriarche absent en raison de son engagement dans les rangs du FLN, difficultés de subvenir aux besoins des enfants, vétusté de la maison... Ce long-métrage, une production de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et Nour Films, a été réalisé par Karim Traïdia, un cinéaste algérien installé aux Pays-Bas. Ce film de 122 minutes, basé sur l'enfance du réalisateur, raconte l'histoire d'une famille algérienne durant la guerre de Libération. Le petit garçon, Bachir, veut devenir fils de chahid car "les fils de chahid auront tout à l'avenir". Et pour y parvenir, il mettra en place un plan machiavélique pour se débarrasser de son père... Malgré son jeune âge, Bachir tient à aider sa famille en approvisionnant un soldat français (Lucien Guignard) en alcool, en échange d'une petite somme d'argent. Outre sa bravoure, ce garçon est un enfant brillant à l'école, ce qui lui vaudra tout de suite l'animosité de la part de ses camarades de classe qui n'hésiteront pas à le battre. Cette scène est jugée trop violente et sa mise en scène laisse vraiment à désirer. Et pour cause ! Le bruitage pour simuler les coups de poing est surréaliste, pour ne pas dire grotesque. La scène suivante nous introduit dans la ferme du voisin de Bachir soit la parfaite caricature du fellah analphabète. Les traits du personnage ayant été grossis à l'extrême, son ton lourdaud devient insupportable lorsqu'il répète sans cesse à Bachir qu'il veut s'acheter "une poule et un coq car son père lui avait demandé de le faire". Dans un cauchemar qu'il ressasse sans cesse, Bachir se voit tirer, avec son père, sur des soldats français, dont son ami François, mais la scène est trop peu travaillée pour être un tant soit peu vraisemblable. On voit, en effet, l'enfant qui manie approximativement l'arme et qui fait mine de tirer sur le soldat et cela sans que le moindre coup de feu émane du pistolet. Mais l'étrangeté de cette scène ne s'arrête pas là : Rabéa la grand-mère du petit garçon le bat car il aurait "osé refaire ce rêve", un rebondissement qui n'a pas manqué de provoquer l'étonnement du public. Nous retrouvons ensuite le fellah qui, lui, fait un rêve où il voit un prêtre lui donner une pièce de monnaie qu'il va utiliser pour se sustenter. Et là encore, le réalisateur qui a voulu apporter, semble-t-il, une touche humoristique au film à travers son personnage fait perdre au public le fil de l'histoire. À vrai dire, l'intrusion du fellah n'apporte rien de substantiel à la trame. Outre certaines incohérences, ce film repose essentiellement sur les épaules de Rabéa, un personnage haut en couleur avec son franc-parler, sa dureté, mais aussi sa tendresse qu'elle ne montre qu'à son chouchou, Bachir. Cette matriarche qui dirige d'une main de fer toute la famille se méfie des Français et prend soin de ses petits-enfants. Enfin, dans la dernière scène du film, l'Algérie est devenue libre, les villageois sortent dehors en scandant : "Tahya El Djazaïr", alors que l'oncle de Bachir agonise sur les genoux de sa mère et de sa sœur en pleurs. Au moment du générique de fin, le public, resté sur sa faim, a consenti toutefois quelques rares applaudissements. Il faut dire que l'embrouillamini de l'histoire, le jeu approximatif de certains acteurs et la visée réelle de la trame prêtent à confusion. Aussi, le film n'apporte quasiment rien d'original par rapport aux autres longs-métrages traitant de la même thématique, à savoir la guerre de Libération et la condition des familles algériennes à cette époque. Azzouz Yasmine