Les neuf familles ont été informées, le 16 février dernier, par la direction de l'agriculture, que l'exploitation agricole qu'elles occupent depuis l'indépendance est intégrée dans les périmètres urbanisables du Pdau d'Alger .L'EAC-DAS n°1 Larbi-Ben-M'hidi, d'une superficie de près de 13 hectares, faisait vivre, jusque-là, neuf familles, installées sur les lieux dès les premiers mois de l'indépendance. Contrairement à beaucoup d'autres EAC, où les fellahs ont bradé leurs terres aux barons du foncier pour un prix dérisoire, ces familles refusent de marchander le moindre arpent. Elles y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. “Nous ne sommes pas riches, certes, mais l'exploitation compte plus que tout”, dira Mme Bouaïcha, que nous avons rencontrée sur place. Elle nous montre la parcelle où est construite la maison familiale. Une maison modeste, à l'image de cette famille qui se bat autant que les autres voisins pour préserver la terre de l'ennemi béton. Son mari est le responsable de la collectivité. Il rassemble les différents documents, comme pour prouver son innocence face à une décision qu'il décrie. Les autorités ont décidé, depuis quelque temps, d'enlever cette exploitation à ces familles pour en faire un projet d'utilité publique. Une école de douze classes, comme le confirme un panneau planté à proximité de la clôture de l'EAC. Mme Bouaïcha, dans un moment de colère, parlera de hogra pure et simple. “Sinon, comment expliquer que les autorités n'aient jamais pensé à ce projet auparavant. Où étaient-elles quand nous bravions, sans moyens, les hordes terroristes ? Nous étions seuls à empêcher des dizaines de personnes qui, fuyant le terrorisme, voulaient s'installer sur ces lieux. On montait la garde à tour de rôle de peur que ces dernières profitent de la nuit pour occuper le terrain. Sans notre vigilance, et à quel prix, cet endroit se serait transformé, au fil des ans, en véritable bidonville, dont les autorités locales trouveraient aujourd'hui toutes les difficultés du monde pour s'en débarrasser. Mais voilà qu'au lieu d'être reconnaissantes, ces mêmes autorités brandissent, au nom de la loi, une décision qu'on ne peut qualifier que de spoliation”, dira-t-elle. Hier, les familles ont été avisées par le wali délégué de Chéraga de l'arrivée incessante des engins de déblaiement. Autrement dit, l'opération est imminente. Contacté, le P/APC de Hammamet, M. Djamel Helali, a confirmé, en effet, que ce terrain a été choisi pour servir au dit projet. Toutefois, le P/APC a précisé que l'EAC en question a été intégrée par les services de la direction de l'agriculture dans les périmètres urbanisables, conformément au décret exécutif n°3/313 du 16 septembre 2003. Levant toute équivoque au sujet des maisons occupées par les familles, il dira que le périmètre ne sera pas violé et que le projet en question n'interviendra pas au-delà de l'actuelle clôture. Tout en gardant cet espoir, les familles n'en croient pas un mot, dans la mesure où un autre langage leur avait été tenu, il y a quelques jours. Dans tous les cas de figure, cet acte reste, à leurs yeux, une flagrante injustice. Les services concernés ont promis, sur document, que les indemnisations financières seraient versées à ces familles. Ces dernières ne sont pas intéressées par cette compensation autant que le vif intérêt qu'elles portent à leurs lopins de terre. “Nous sommes des fellahs et non des affairistes”, disent-ils. En somme, une réplique au bradage du foncier qui ronge un nombre important de communes. Staouéli, Birkhadem, Dély Ibrahim, Bouchaoui, Réghaïa, Bordj El-Bahri ne sont que quelques exemples frappants d'un fléau que même les services du ministère de l'Agriculture n'arrivent pas à juguler. Des centaines d'EAC ont été vendues et inondées par le béton. Pour une fois, à Hammamet, l'exemple est différent. Les responsables, en revanche, ne l'entendent pas de cette oreille. A. F.