Les professionnels du tourisme à Paris et dans l'Hexagone s'alarment de la baisse drastique de la fréquentation touristique étrangère. La persistance de la menace terroriste risque de faire perdre au pays sa place de leader dans le monde. Cet été, ce n'est pas tant le climat maussade qui a fait fuir les touristes de Paris et de l'Hexagone tout entier. Les escouades de touristes japonais auraient pu, comme d'habitude, s'accommoder des caprices de la météo, pour passer d'agréables vacances. Sauf qu'ils sont beaucoup moins nombreux à poser devant le tour Eiffel et le mont Saint-Michel. Dans un bilan rendu public ces derniers jours par le Comité régional du tourisme, Paris-île de France, la fréquentation nippone a chuté de moitié depuis les attentats de novembre 2015, qui ont frappé la capitale. Cette baisse n'est pas sans conséquences financières surtout que les visiteurs originaires d'Asie, Chinois et Sud-Coréens compris, sont considérés comme de grands dépensiers. Les Américains et les voisins européens dont les Russes sont également moins nombreux à choisir la France comme terrain de villégiature. Le nombre de nuitées dans les hôtels a baissé de 10% pendant les six premiers mois de 2016. Karen, une journaliste londonienne d'une trentaine d'années, a longtemps hésité avant de prendre la décision de ramener ses deux enfants à Paris, pour un séjour d'une semaine. Ses amis d'Outre-Manche ont dû redoubler d'efforts pour la convaincre d'abandonner ses craintes et de sauter dans l'avion. "J'avais déjà pris les billets quand l'attaque de Nice (14 juillet) a eu lieu. J'étais épouvantée en regardant à la télé tous ces corps éparpillés sur le sol. Les images m'ont glacé le sang. Pendant un moment, j'ai pensé à annuler le voyage. Mais j'y ai finalement renoncé", raconte Karen, emportée par un élan de tendresse pour la France où elle se rendait déjà très jeune, avec ses parents. Pour ses enfants, elle a prévu un programme assez chargé avec un passage obligé au musée du Louvre, au musée d'Histoire naturelle et à la tour Eiffel évidemment. Dans ces lieux, où la sécurité a été renforcée, les visiteurs côtoient les patrouilles de l'armée déployées dans le cadre du plan Sentinelle, depuis l'attaque terroriste contre l'hebdomadaire Charlie-Hebdo, en janvier 2015. Le nombre des militaires a été porté à 10 000. Depuis l'attentat de la Promenade des Anglais, le président François Hollande a décidé, par ailleurs, de constituer une réserve opérationnelle de gendarmes et de policiers pour soutenir le dispositif de sécurité en cours. "La vue d'hommes en uniforme et armés est certes rassurante. Mais en même temps, cela nous fait penser à un climat de guerre", observe Karen. Les patrouilles sont visibles partout y compris dans les petites villes, aux abords des lieux de culte, par exemple, devenus vulnérables après l'assassinat d'un prêtre à Rouen, à la fin du mois de juillet. Mais combien de vigiles faudra-t-il à la France, pour lui permettre de dormir tranquille et à ses visiteurs de déambuler sereinement dans ses villes ? Les demandes de renforts sécuritaires émanent de partout. Pour éviter le pire, des maires ont décidé de surseoir à des festivités d'été, comme les spectacles pyrotechniques. Dans la capitale, des représentations programmées dans le cadre de Paris Quartier d'Eté ont dû être déplacées dans des lieux moins exposés car situés à la périphérie de la ville. Le Louvre qui devait abriter une des manifestations, a fait machine arrière à cause d'une sécurité insuffisante. Face à cette situation de crise, les professionnels du tourisme sont désemparés. Ils se tournent vers les autorités en leur demandant d'élaborer une stratégie qui vise à réhabiliter l'image de la France. Le Quai d'Orsay auquel est rattaché le secteur du tourisme a déjà engagé une réflexion sur le sujet. Un programme de sauvetage a même été élaboré sous la direction du ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault qui a réuni, à la fin du mois dernier, "un comité d'urgence économique", pour relancer la destination France. Actuellement, ce pays détient la première place en matière de flux touristique dans le monde. Environ 85 millions d'étrangers l'ont visité en 2015. Le gouvernement ambitionne de porter le nombre des touristes à 100 000 millions en 2020. Mais, la persistance de la menace terroriste risque fortement de perturber ce plan. L'insécurité dans l'Hexagone profite, en revanche, à d'autres pays qui, comme l'Espagne ou Chypre, enregistrent une forte hausse de l'activité touristique. S. L.-K.