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“Notre légitimité, nous la détenons de notre base”
Tahar Besbas, coordinateur du CNLS, à Liberté
Publié dans Liberté le 26 - 02 - 2005

Liberté : Pouvez-vous nous faire une évaluation du travail accompli par le CNLS ?
Tahar Besbas : Il faut dire que, réellement, le CNLS n'a qu'une année d'existence. Il a évolué dans un contexte et un environnement très hostiles. Un environnement qui ne permet pas l'épanouissement d'un comité comme le nôtre. Cela ne nous a pas empêchés, à travers nos humbles actions, de nous affirmer en tant qu'entité syndicale. Je pense qu'on a atteint au moins la moitié de nos objectifs, c'est-à-dire de s'imposer sur la scène sociale et de faire de nous, même si les pouvoirs publics ne le reconnaissent pas, un pool syndical capable de faire contrepoids à l'UGTA, que nous respectons au demeurant.
Malgré toutes les persécutions et toutes les contraintes, nous avons pu organiser notre première sortie publique, c'est-à-dire la conférence nationale des cadres. Nous allons aussi rendre public, prochainement, le premier rapport du CNLS. Et forts de ce rapport, nous allons toucher toutes les instances nationales et internationales pour leur donner un véritable état des lieux des libertés syndicales en Algérie.
Le président de la république a déclaré ne reconnaître que l'UGTA comme représentant des travailleurs. Quelle lecture en faites-vous ?
L'intervention du premier magistrat du pays est presque un appel qui est fait à la base des syndicats autonomes pour déserter les rangs des syndicats autonomes en allant renflouer ceux de l'UGTA en mal de représentativité. Une manière de dire à nos adhérents que le pouvoir est avec cette organisation, donc vous n'avez rien à faire chez les autres syndicats. Le président de la république est le président de tous les Algériens. Il est aussi le Président de tous les syndicats même ceux qui ne partagent pas sa ligne politique. Notre réponse lui a été donnée, aujourd'hui, lors de notre conférence. Je pense que c'est une réponse qui est à la hauteur de l'événement.
Nous avons prouvé que nous n'avons jamais attendu notre légitimité des pouvoirs publics. Notre légitimité, nous la détenons de notre base. Alors qu'à travers l'intervention du président de la république, c'est une légitimité institutionnelle qu'il donne à l'UGTA. Nous allons lui remettre, et d'une manière officielle, le premier rapport du CNLS.
En le lui remettant, il sera, en tant que premier magistrat et garant des lois de la république et de la stabilité du pays, mis au courant des véritables enjeux, mais aussi des atteintes aux droits et libertés syndicales en Algérie.
N'oublions pas, aussi, ce 24 février 2003 où le même président de la république avait rétorqué à cette même UGTA qui menaçait de fermer les vannes de Hassi-Messaoud : “vous vous prenez pour qui ? Et si je risque de lâcher les syndicats autonomes…” C'était une menace qui en dit long. Alors ce brusque revirement confirme une chose, à savoir qu'il y a un compromis autour des réformes, sur les privatisations et sur une démarche néolibérale que nous nous ne cautionnons pas.
Ceci dit, si le premier magistrat est amené à prendre position dans un problème de représentativité syndicale, c'est quand même un acquis pour les syndicats autonomes même si certains dramatisent un peu la chose.
Ne craignez-vous pas, avec ce parti pris du Président en faveur de l'UGTA, de faire face à un surcroît de pressions ?
Je ne pense pas qu'il puisse y avoir plus de pressions que ce qu'on est en train de vivre. Quand vous interdisez à un syndicat de faire des réunions publiques — nous avons demandé d'organiser un meeting le 25 novembre qui a été refusé par la wilaya sans aucune raison, alors qu'on aurait pu mobiliser presque 2 000 personnes en l'espace d'une semaine —, quand la subvention d'un syndicat va chez son aile dissidente créée de toutes pièces par les pouvoirs publics, on ne peut pas subir plus de répressions que ça. La seule chose qui puisse arriver, nous ne l'espérons pas et je ne pense pas que les pouvoirs publics puissent aller jusque-là, c'est que dans la prochaine Constitution, on supprime carrément le droit de grève et qu'on refuse le pluralisme syndicalisme.
À mon sens, ce que nous sommes en train de vivre maintenant, c'est le summum de la répression et de la persécution. Puisque nous avons survécu à toutes ces épreuves, il n'y a aucune raison de ne pas survivre encore longtemps. Ma conviction profonde est que la volonté des travailleurs l'emportera sur celle des décideurs. Nous avons foi en les travailleurs.
A. C.


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