Résumé : Racim attendait impatiemment le retour de sa mère. Cette dernière rendait visite à des voisins qui avaient une fille en âge de se marier. Narimène lui plaisait, et elle ne voulait en aucun cas la perdre. Dès son retour à la maison, elle fait ses éloges à son fils. Racim se met à jouer avec sa cuillère avant de lancer : -Tu as discuté avec les parents. Pas avec elle. -Oui. Je ne pouvais discuter directement avec elle. Il est inconcevable dans nos mœurs de s'adresser directement à la future mariée sans avoir au préalable l'accord des parents. -Et que t'ont-ils dit ? -Eh bien, que si Dieu le permet, nos familles s'uniront pour le meilleur et pour le pire. Racime demeure muet un moment puis reprend : -J'insiste pour que Narimène donne son accord pour ce mariage. Keltoum prend une gorgée de café avant de répondre : -Je ne vois pas pourquoi tu veux compliquer les choses. Les parents de cette jeune fille m'ont semblés heureux à la perspective de nouer une alliance avec notre famille. La mère surtout était aux anges. Son père de son côté avait hoché la tête lorsque j'ai parlé de toi et de tes affaires. Il m'a bonnement signifié qu'un homme qui avait pu redresser la barre d'une entreprise familiale, en ne comptant que sur son courage et son savoir-faire, fera à n'en pas douter un bon mari. -C'est bien beau tout ça. Mais je veux avoir le dernier mot de Narimène. Nous ne nous connaissons pas encore. Bien que nous habitions des quartiers mitoyens, nous ne nous sommes jamais rencontrés. Keltoum déglutit. -Si tu veux la rencontrer, j'arrangerai un rendez-vous avec la famille. Tu n'as qu'à fixer un jour dans la semaine. Racim se remet à jouer avec sa cuillère. -Choisis le jour qui te convient mère. Je trouverai toujours quelqu'un pour me remplacer au boulot. -Bien, mon fils. Deux jours passent. Keltoum n'était pas très emballée à l'idée de mettre en contact les futurs mariés. Issue d'une génération qui ne badinait pas avec les mœurs, elle ne voyait vraiment pas la nécessité de cette rencontre entre deux jeunes gens qui, une fois unis, auront toute la vie devant eux pour se connaître. Mais Racim avait insisté. Il voulait connaître sa future fiancée et même avoir son consentement. La vieille femme passe sous le joug et en fait la proposition aux parents de la jeune fille. À sa grande surprise, ils approuvèrent la décision de Racim et avouèrent même qu'ils étaient impatients de faire sa connaissance. Keltoum tombe des nues. Elle revient chez elle, l'esprit embrouillé et l'âme en peine. Racim n'allait peut-être pas approuver son choix. Elle appréhendait tant l'idée d'un refus de sa part, une fois qu'il aurait rencontré Narimène. Même si elle lui avait assuré qu'elle n'avait pas à rougir de son bel aspect physique, Racim n'allait pas s'arrêter à ces considérations et irait jusqu'à entamer une discussion avec elle. Elle passe une main nerveuse sur son front en feu et essuie la sueur qui coulait de tous ses pores. Demain, elle aura toutes les réponses à ses questions. Oui. Dès demain, elle saura si Racim acceptera d'adhérer à ses aspirations et fera d'elle une future belle-mère comblée, ou bien refusera tout bonnement ce mariage. Elle soupire. Ah que la vie est compliquée ! Depuis des années, elle avait attendu ce grand jour. Elle avait espéré que son fils unique se marie, et lui donne de petits-enfants qu'elle aura le loisir d'élever et de voir grandir. Elle estime qu'elle était encore assez jeune pour éduquer cette progéniture qui assurera la descendance de la famille. Hélas ! Racim ne semblait pas aussi pressé qu'elle pour réaliser ce rêve. Il avait d'abord fait des études supérieures et décroché ses diplômes. Puis s'était occupé de l'entreprise familiale qui battait de l'aile. Ramdane, son père, était décédé des années plus tôt, et ne leur avait laissé que de vilaines dettes. Le jeune Racim s'échina donc à relever le défi pour rembourser les créanciers, puis pour relancer les affaires. Il lui avait fallu du cran pour apurer une comptabilité complexe et remettre le train sur les rails, avant de pouvoir enfin soupirer d'aise devant ses exploits. Aujourd'hui, les affaires marchaient bien et il était fier de ses réalisations. (À suivre) Y. H.