Dans un entretien à Liberté, le premier secrétaire national du parti, Ali Laskri, a précisé qu'“aucune institution, ni organisation ne peut nous imposer son diktat”. Liberté : Des sources relayées par des médias ont évoqué ces derniers jours avec insistance la question du retrait des élus qu'elles qualifient d'“indus”. Votre parti a-t-il été contacté à ce sujet ? Et quelle est sa position ? Ali Laskri : Nos traditions de lutte et les valeurs qui guident notre action politique ne s'accommodent d'aucune forme de contacts de coulisse ou de conclaves souterrains. Si nous avions eu un quelconque contact, on l'aurait porté immédiatement à la connaissance de l'opinion publique. Pour revenir à la question du retrait des élus locaux, je vous rappelle que notre parti a pris la décision de participer aux élections locales d'octobre 2002 pour des raisons politiques, et qu'aucune organisation ou institution, sous quelque prétexte que ce soit, ne peut nous imposer son diktat. Nous assistons actuellement à une opération combinée contre le FFS, mais je vous rassure que nous disposons de beaucoup de ressources pour y faire face. Ni les emprisonnements, ni les intimidations, ni les arrestations de militants et ni les menaces de la nouvelle alliance présidentielle composée du MSP, du FLN, des archs, de l'UGTA et du RND, ne peuvent nous faire renoncer à notre engagement en faveur de la démocratie, la vérité et la justice. Pour reprendre une partie de votre question, je vous fais remarquer les aberrations qu'aucun citoyen normalement constitué ne peut digérer. L'exemple le plus frappant est le suivant : le préavis de grève lancé par le syndicat de l'éducation Cnapest a été rendu illégal sur une décision de justice sous prétexte que ce syndicat ne dispose pas d'un agrément et, parallèlement, le Chef du gouvernement conclut des “accords”, attribue des sièges à une structure qui ne dispose d'aucune légitimité et exonère ses éléments de toute poursuite judiciaire ! Voilà un exemple de l'Etat de droit version Ouyahia. Quant à la question de la légitimité, elle se pose en termes simples : il vaut mieux être élu par quelques citoyens que d'être désigné par tout le système. Les élus locaux du RND concernés par l'accord conclu entre les archs et le gouvernement viennent de déposer leur démission en application de l'accord en question. Un commentaire… Encore un procédé machiavélique pour “ghettoïser” une protestation qui s'élargit du jour en jour et qui est porteuse de revendications politiques et nationales. Retirer une quinzaine d'élus en Kabylie pour prétendre régler une crise nationale profonde relève d'une infirmité politique chronique. Pour le FFS, nous avions exigé la dissolution de toutes les assemblées (APC, APW et APN) pour préparer les meilleures conditions à une véritable transition démocratique qui aboutira à la mise en place d'institutions crédibles, légitimes et représentatives. L'élection d'une assemblée constituante souveraine est la meilleure voie à même de permettre la participation effective et démocratique de la population dans la gestion de ses propres affaires. Réduire les problématiques politiques à de simples calculs arithmétiques est un non-sens. De quelle légitimité peut se targuer un Chef du gouvernement dont la seule compétence est sa capacité à pervertir et à maquiller les mascarades électorales ? Un fraudeur en chef qui devient un donneur de leçons ! Votre point de vue sur le dialogue archs-gouvernement… Encore une fois, le Chef du gouvernement excelle dans l'art de l'intrigue et de la diversion politicienne. Les archs sont devenus l'objet de distraction d'Ahmed Ouyahia. L'accord conclu dernièrement est une tentative de réanimation d'une structure finissante et dont les échos ne dépassent pas les laboratoires de la police politique. Cette nouvelle séquence du long feuilleton de faux dialogues et de faux délégués s'inscrit incontestablement dans le sillage des planifications des décideurs qui visent à imposer une représentation politique faite d'organisations maison, maniables et corruptibles dont les caractéristiques seront la docilité et la servitude extrême. Il s'agit, bien sûr, pour les tenants du pouvoir d'empêcher toute forme de représentation politique autonome et moderne. Au gré des conjonctures, le pouvoir fait et défait ses propres supplétifs à tour de rôle, et chacun sa “trempette” pour entretenir le flou et la régression. Dans cette entreprise, les décideurs font appel souvent à des délégués et autres mercenaires politiques qui montrent une disponibilité pour tous les emplois. D'ailleurs, le qualificatif “dialogue” ne convient pas, il s'agit d'une rencontre bilan-inventaire d'une structure qui avait pour mission unique de dissoudre toutes les différenciations politiques dans cette région pour mieux la soumettre aux desseins du pouvoir. L'APC de Tizi Ouzou a d'ailleurs refusé de coopérer pour la concrétisation d'un point de l'accord, à savoir la réouverture des permanences des archs. Pourquoi ce refus ? Je précise : le site qui faisait office de permanence des archs a subi des dégradations telles que sa remise au service de la culture et de l'art a nécessité des sommes importantes. Une infrastructure relevant du patrimoine communal, sur le plan administratif, et du patrimoine universel, sur le plan de sa vocation, ne peut et ne doit pas faire l'objet d'un marchandage politicien aussi bas. Alors que des milliers d'associations errent et ne trouvent aucun espace à l'expression artistique, culturelle et intellectuelle, les autorités, préoccupées par les montages de manipulations, délivrent ces sites à leurs relais et autres organisations charlatanesques. Refuser de se soumettre au diktat des archs et du Chef du gouvernement est le meilleur hommage rendu à Kateb Yacine au nom duquel est baptisée cette structure. Y a-t-il, comme le suggèrent certains observateurs, un lien entre la réactivation de ce dialogue et l'amnistie générale ? Ce dialogue et surtout le contexte de sa réanimation sont les meilleurs indices que cette opération s'inscrit totalement dans le sillage de l'amnistie générale que veut nous imposer le pouvoir. Concomitamment, le pouvoir veut créer des diversions politiques en ne laissant se rallumer que les faux débats autour des archs et, parallèlement, il se crée une occasion pour se donner l'image d'un pouvoir disposant d'une volonté de dénouer la crise. Tout ce cirque pour tenter de réaliser des exploits politiques au profit de l'amnistie et de la réconciliation. Ce feuilleton donne l'image triste d'un Etat dirigé par un collège maffieux, d'un côté, et, de l'autre côté, un groupe de faux délégués dont les caractéristiques témoignent d'une régression politique et intellectuelle des plus inquiétantes. Additionnées, ces forces régressives veulent régenter et dominer la société par la corruption et l'agitation politicienne. À l'ère de la mondialisation, le Palais du gouvernement, censé abriter des débats pour l'élaboration des politiques de développement durable, donne la piètre image d'un siège où se tiennent des conclaves avec les archs et autres sectes régressives. Votre position sur l'amnistie générale… Comment peut-on parler d'une amnistie générale en l'absence de libertés individuelles et collectives ? L'état d'urgence est toujours en vigueur, et les espaces démocratiques sont inaccessibles aux associations, aux syndicats et aux partis politiques autonomes. C'est une supercherie politique destinée plus à effacer toutes les traces et les responsabilités des crimes commis contre le peuple algérien et son patrimoine qu'une volonté politique réelle d'ouverture pour une véritable réconciliation. La véritable réconciliation doit se faire entre l'Etat et le peuple. Elle passe par la restitution des droits politiques, économiques, sociaux et culturels aux citoyens. Une telle réconciliation passe nécessairement par la libération des champs politique et médiatique et le respect des droits de l'Homme. Une réconciliation véritable doit être le couronnement d'un large débat au sein de la société et des partis politiques dans un cadre démocratique. Dans un Etat de droit, une telle démarche ne peut avoir de consistance et de sens politique que si elle obéit aux impératifs de vérité et de justice. Vouloir gommer les responsabilités des décideurs dans le drame qu'a vécu le peuple algérien est un autre attentat contre la mémoire collective. Une vraie réconciliation, c'est celle qui permettra aux Algériens de connaître les dessous, les auteurs, les commanditaires d'une crise sanglante dont ils ne sont ni responsables ni bénéficiaires. Derrière les rideaux de “la sale guerre” se sont constitués des empires financiers et se sont construites des mafias de tout genre qui continuent, de nos jours, à piller et à brader le patrimoine du peuple algérien. La vérité est une condition sans laquelle aucune réconciliation n'est viable, parce qu'elle constitue l'élément déterminant de l'intention du pouvoir. Quant à la justice qui ne peut se réaliser que dans le cadre de l'Etat de droit, elle représente la meilleure garantie contre les dérives et la répétition des politiques macabres et criminelles. Réduire la réconciliation d'une nation à une formalité référendaire est politiquement inadmissible et moralement indécent. Que veut dire un référendum, dans un Etat incapable de s'interdire de recourir à la force et à la manipulation ? Le détournement du suffrage universel a été un des crimes le plus grave commis contre le peuple algérien durant des décennies, et la persistance dans l'utilisation de ce type de procédé est la meilleure preuve qu'il n'existe aucune volonté de réconciliation. En réalité, la démarche prônée par le chef de l'Etat vise à absoudre les commanditaires et les responsables des crimes politiques et économiques commis contre les richesses et l'intégrité du peuple algérien. Pour nous, au FFS, nous considérons que la paix et la réconciliation ne peuvent se faire que si la politique est restituée à la société, et si elle s'exerce dans un cadre démocratique et selon des règles transparentes respectées par tous. Le contrat social est donc à faire sur une seule base : le droit du peuple algérien à l'autodétermination. K. K.