L'expérience vécue par les Algériens durant les années 90 "reste encore fraîche dans la mémoire collective et fonctionne comme une forme de dissuasion psychologique", selon une spécialiste du terrorisme chez Carnegie Middle East Center. Une analyse rendue publique par le service de nouvelles et d'analyses humanitaires Irin (Integrated regional information networks), l'Algérie est le pays le moins touché dans le monde par le recrutement terroriste, en dépit de sa proximité géographique avec des régions impactées par le radicalisme. Se basant sur des chiffres publiés début septembre par The Soufan Group, une entreprise américaine basée à New York, qui fournit des services en matière de sécurité et de renseignement aux gouvernements, Irin indique que le nombre d'Algériens ayant rejoint les rangs des groupes terroristes se situe autour de 200, alors que la Tunisie compte entre 6 000 et 7 000 terroristes recrutés par des groupes extrémistes, essentiellement par Daech. D'après les mêmes estimations établies jusqu'à décembre 2015, le nombre de Marocains se situe entre 1 200 et 1 500. Ce réseau mondial d'informations, spécialisé dans la couverture des crises humanitaires, affirme - alors que le groupe terroriste autoproclamé "Etat islamique" est en train de recruter dans le monde entier - qu'un seul pays musulman (l'Algérie) se démarque. Irin souligne qu'"en dépit de sa proximité avec des régions touchées par l'extrémisme et ayant connu un passé mouvementé de militantisme, l'Algérie compte moins de recrues que plusieurs autres pays, y compris ses voisins, la Tunisie et le Maroc". Ce réseau d'informations, anciennement rattaché aux Nations unies et lauréat de plusieurs prix, précise que, de prime abord, ce chiffre peut surprendre pour un grand pays d'Afrique qui a vécu une décennie de terrorisme, mais quinze années après, "le radicalisme semble avoir moins d'attrait en Algérie". Jenny Gustafsson, l'auteur de l'analyse, s'interroge : "L'Algérie a-t-elle pris un vaccin anti-Daech ?". De son côté, Dalia Ghanem-Yazbeck, spécialiste du terrorisme chez Carnegie Middle East Center, explique, en réponse à une question de l'auteur à ce sujet, que l'expérience vécue par les Algériens durant la décennie noire "reste fraîche dans la mémoire collective et fonctionne comme une forme de dissuasion psychologique". Il ajoute que la raison pour laquelle l'Etat islamique n'a pas eu de succès en Algérie réside également dans le fait que le pays a consenti d'énormes investissements en matière de sécurité. Ghanem-Yazbeck estime que l'Algérie assure "une tâche formidable" en maintenant le contrôle tout au long de ses vastes frontières avec le Mali et la Libye, relevant au passage que le pays est actuellement leader en Afrique en matière de capacités d'armement et sa force de police dépasse de loin celles du Maroc, de la Tunisie et de la France. L'auteur justifie cela par le fait que "l'armée algérienne est devenue une force massive (...). Si vous ajoutez à cela les forces de police et de gendarmerie et les branches du renseignement (...)", tout cela a permis d'"éviter à de nombreux Algériens de tendre la main à des groupes comme Daech". Ghanem-Yazbeck a fait référence, dans cette analyse, à "la charte pour la paix et la réconciliation nationale qui a contribué à la réinsertion des égarés au sein de la société et aussi aux actions menées par le gouvernement pour contrer le salafisme radical, tout en rappelant la création du syndicat national des imams qui agit comme un rempart aux idées religieuses importées". Merzak Tigrine