"Il ne faut pas omettre que derrière l'homme, il y avait des milliers d'officiers et de djounoud qui font partie de l'armée", a-t-il déclaré. "Je ne suis pas un commentateur politique, ni un commentateur sportif." Comme s'il s'y était préparé, le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, a tenté, hier, lors d'une conférence de presse animée au siège de son parti à Alger, de clore la polémique provoquée par la sortie tonitruante mercredi d'Amar Saâdani. "C'est une déclaration, pas un événement", a-t-il répété, comme pour éviter de mettre les pieds dans ce qui s'apparente à un bourbier et étouffer les graves accusations du patron du FLN à l'encontre de l'ancien patron des services et qui pourraient connaître des prolongements et des rebondissements. Pourtant, c'était compter sans la ténacité des nombreux journalistes présents qui le relançaient à chaque fois sur la question. "Je ne suis pas d'accord avec le dernier discours", a-t-il fini par lâcher lorsqu'on l'a invité à commenter les accusations selon lesquelles le général Toufik serait derrière les événements qu'ont connus plusieurs villes du sud, particulièrement Ghardaïa. "Quand certains parlent (...), il ne faut pas omettre que derrière l'homme (NDLR : Toufik), il y avait des milliers d'officiers et de djounoud qui font partie de l'armée", a-t-il rappelé, comme pour suggérer qu'on ne peut pas objectivement impliquer l'institution militaire. Du reste, Ouyahia, comme il l'avait déclaré par un passé récent, a réitéré que les événements de Ghardaïa ont été manipulés de "l'intérieur et de l'extérieur", sans fournir d'autres précisions. "Mais la justice fait son travail", a-t-il ajouté en remerciant au passage ceux qui ont contribué au retour de la stabilité dans la région. La présidence a-t-elle appelé Abdelaziz Belkhadem pour lui présenter des excuses ? "Vous posez la question ici au chef du RND." Mais il ne s'est pas empêché, cependant, d'exprimer son respect pour l'enfant d'Aflou, ancien secrétaire général du FLN, ancien ministre des AE, ancien président de l'Assemblée nationale et ex-chef de gouvernement. "J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour lui. Ce ne sont pas des sentiments saisonniers", a-t-il dit. Autre désaveu : les propos de Saâdani sur les officiers de la France. Sur ce sujet, Ahmed a Ouyahia a convoqué l'histoire, notamment l'épisode où ces officiers avaient sauvé le pouvoir de Boumediene d'un coup d'Etat en 1967. "Bouteflika fut un officier de l'Armée de libération nationale. Ministre des Affaires étrangères, il a collaboré avec d'anciens officiers de la France. Et c'est avec ces officiers que "Moustache", feu Houari Boumediène, avait bâti une armée forte". Interrogé sur l'existence de "traîtres" au sein des institutions, Ahmed Ouyahia a invité quiconque disposant de dossiers de les transmettre à la justice. Pas de remaniement en vue En bon commis de l'Etat, Ahmed Ouyahia s'est employé à battre en brèche les lectures sur l'existence de divergences au sommet de l'Etat auxquelles peuvent prêter les déclarations contradictoires entre les ministres, particulièrement ceux de l'Industrie et du Commerce. "Beaucoup essaient de lire dans la boule de cristal", a-t-il ironisé. Selon lui, à l'inverse de ce que peut suggérer la sortie de Saâdani, il n'est pas évident que le Président procède à un remaniement gouvernemental dans un proche avenir, au regard de la proximité des élections législatives qui pourraient avoir lieu en avril. Dans le même contexte, il a rejeté les spéculations sur l'existence de quelque lien entre une prétendue absence du Président et les déclarations contradictoires des ministres. "Le président Bouteflika gère les affaires, les petites et les grandes. Il ne faut surtout pas se précipiter à faire des raccourcis lorsque des déclarations contradictoires émanent du même gouvernement." "Le phénomène n'est pas propre à l'Algérie", dit-il. Mieux, Ahmed Ouyahia estime que son parti "est partie prenante de la scène politique (...), mais la politique du gouvernement ne se définit pas dans une officine", en plaidant, cependant, pour la mesure défendue par Bouchouareb, à savoir l'interdiction d'importation des véhicules. "On n'enlève pas une rente pour la rendre aux concessionnaires. Au RND, nous ne souhaitons pas l'importation de véhicules usagés. C'est pour encourager l'industrie automobile." Concernant l'affaire de corruption révélée par le ministre du Commerce, Ouyahia a invité à ce "qu'on laisse la justice faire son travail". Ali Haddad est "un ami" Sur un autre registre, le secrétaire général du RND a exclu l'existence d'une éventuelle alliance avec l'homme d'affaires Ali Haddad, en perspective des élections législatives. "Je n'ai pas honte de dire que Haddad est un ami. J'étais, d'ailleurs, parmi les personnes qui l'ont encouragé à se présenter à la présidence du FCE." Il rappelle que le patron du FCE, lui-même, avait déjà assuré qu'il ne se mêlait pas de politique. "Haddad a bien dit : la politique est aux politiques, et l'argent, c'est l'argent", a rappelé Ouyahia. Et, contrairement à ses habitudes, il n'a pas tari d'éloges sur le RCD, après l'annonce de la participation de celui-ci aux prochaines élections législatives. "C'est une bonne chose, on salue tous les partis qui y participent, on espère que d'autres en feront de même", a souhaité Ouyahia. À l'adresse du FLN dont il rappelle "qu'il est un allié stratégique", Ahmed Ouyahia, comme pour répondre à Saâdani qui ambitionne de rafler la mise lors des prochaines élections, ironise : "Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué." Economie : la situation ressemble quelque peu à 1986 Même s'il a critiqué ceux qui jouent aux cassandres, Ahmed Ouyahia a insisté pour dire la vérité aux Algériens sur la situation économique du pays. "C'est une étape difficile. La situation ressemble un peu à 1986. Mais il y a deux différences, deux amortisseurs. Le premier : le Président a désendetté le pays ; le second : la politique de développement menée depuis dix-sept ans", a affirmé Ouyahia. Il invite ceux qui disent que la LF 2017 est une "punition" pour le peuple à présenter des alternatives. "Soit on réduit les dépenses, soit on recourt à l'endettement extérieur." "À la lumière du déficit prévu dans le projet de loi de finances, il faudrait emprunter 10 milliards de dollars, ce qui étoufferait le pays", selon Ouyahia qui défend le choix de l'Exécutif d'opter pour un baril de référence de 50 dollars car à 37 dollars, le déficit budgétaire aurait été un gouffre. "Le succès de la réunion de l'Opep nous permettra de gagner quelques dollars de plus, mais nous ne croyons pas que nous avons trouvé la potion magique. Il faut un baril à 80 dollars pour arriver à l'équilibre, et cette perspective, il faudrait peut-être attendre 4 à 5 ans." "Peut-être que la crise peut être une bénédiction si on réhabilite la valeur du travail", a-t-il ajouté, par ailleurs. Concernant les retraites, il a estimé que les "consultations étaient insuffisantes", mais qu'il faut "dire la vérité aux Algériens", en suggérant que la CNR est étranglée financièrement. Enfin, interrogé sur la loi fixant les postes de responsabilités exigeant la nationalité algérienne exclusive, Ahmed Ouyahia s'est "étonné" de ce que certains postes, comme celui d'ambassadeur, ne soient pas concernés. "J'espère que le texte trouvera un équilibre quand il descendra à l'APN et au Sénat." Karim Kebir