La violence de l'attaque qui a visé l'ancien secrétaire général du parti, Abdelaziz Belkhadem, et la piètre image qu'elle donne du FLN mettent à mal la base militante. La dernière sortie du secrétaire général du Front de libération nationale, Amar Saâdani, qui s'en est pris violemment à l'ancien SG du parti, Abdelaziz Belkhadem, n'a pas laissé indifférente la base militante qui, en l'absence d'un débat interne, se retrouve réduite à suivre de loin les péripéties de la polémique provoquée. Dans la ville d'Oran, chez les militants règne une circonspection qui cache mal une gêne à évoquer le sujet. Les avis sont partagés. Les militants restés fidèles à Abdelaziz Belkhadem rejettent les "accusations gratuites" de Saâdani à l'encontre de Belkhadem. Aussi, les rares militants qui ont accepté d'évoquer le sujet affirment à demi-mot que "de telles déclarations ne profitent qu'aux ennemis intérieurs et extérieurs du FLN". Cela alors que les militants adeptes de l'actuel SG du parti estiment, eux, que Saâdani "n'a fait que son devoir de patriote sincère et désintéressé". C'est le cas de ce militant FLN depuis 40 ans qui avoue sa compréhension et sa sympathie pour Amar Saâdani. "Notre secrétaire général a eu le courage de fustiger le général Toufik et de mettre à nu ses affaires louches", dit-il, non sans un brin de fierté. Les querelles entre militants, après les propos de Saâdani, sont plus affirmées dans la wilaya de Tlemcen. Les dissensions entre les partisans et les opposants d'Amar Saâdani et de Belkhadem sont davantage perceptibles au niveau des mouhafadhas de Nedroma, Sebdou, Maghnia et Tlemcen. La plupart des militants du vieux parti penchent plutôt pour le retour de Belkhadem aux commandes du FLN. Ainsi, il y a deux jours, à Sebdou, une cinquantaine de militants du FLN avait observé un sit-in devant le siège de la mouhafadha pour demander le départ de Saâdani, reprochant à celui-ci un comportement qui fait perdre au FLN son aura d'antan. Les militants contestataires ont dénoncé "les critiques désobligeantes" de celui qui est censé incarner l'unicité du parti. La même ambiance est relevée à Chlef. Pour certains militants rencontrés à la mouhafadha, Amar Saâdani reste l'unique leader du parti et personne n'ose le défier car tout ce qu'il dit est une vérité qui blesse. Ces militants affirment travailler à finaliser une motion de soutien en faveur d'Amar Saâdani. Pour d'autres, il n'est pas question de s'accommoder de Saâdani. Son départ est revendiqué. "Saâdani a fait trop d'erreurs, il doit partir et quitter le FLN. Nous sommes tous pour le retour d'Abdelaziz Belkhadem", accusent-ils. À Mascara, la situation est identique, et c'est un militant du parti depuis plus de 10 ans qui estime qu'il s'agit de conflits d'intérêts ne servant guère les intérêts du FLN. "Eu égard à mon expérience, je condamne l'attitude de ces deux personnes car chacune tente de tirer la ficelle de son côté." Un élu FLN à l'APC considère encore que le comportement des deux hommes forts du parti est négatif : "Ils ont occupé tous les deux le poste de SG du parti et ne doivent en aucun cas se donner en spectacle. Pour moi, Belkhadem doit donner le bon exemple. Il doit accepter les décisions des instances centrales du parti et jouer son rôle de rassembleur." À Mostaganem, l'atmosphère n'est guère meilleure. Des militants approchés à la mouhafadha ont d'emblée affirmé qu'ils soutiennent totalement Amar Saâdani dans sa position. "Nous avons confiance en le secrétaire général qui a certainement basé ses déclarations sur des informations en sa possession et n'a donc pas offensé Belkhadem", arguent-ils. En revanche, d'autres militants ne sont pas du tout d'accord avec les propos tenus par le SG du FLN, à l'image du député de Mostaganem à l'APN, Ammar Khemisti qui, joint hier par téléphone, a dénoncé et condamné avec véhémence les propos de Saâdani. Selon lui, les propos du SG du FLN "constituent un grave dérapage et une attaque infamante contre l'ancien SG, Abdelaziz Belkhadem". Consternation à l'Est "On ne gagnera jamais les prochaines élections législatives avec Saâdani à la tête du parti." C'est ce que nous a déclaré, hier, Driss Maghraoui, ex-mouhafedh et militant de l'ex-parti unique, le FLN, à Constantine. En effet, dans un entretien téléphonique, notre interlocuteur n'a pas mâché ses mots en qualifiant les dernières déclarations du secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, d'"irresponsables". "Il n'y pas eu de discours, ce sont des propos irresponsables de la part d'un secrétaire général du premier parti en Algérie, notamment à quelques mois des élections législatives", dira-t-il. Et d'ajouter : "Il devrait se concentrer sur les prochaines élections législatives, mais visiblement il a d'autres priorités." Dans la wilaya de Sétif, c'est pratiquement le même son de cloche. En effet, parallèlement à la réaction des membres du bureau national, des militants de l'ex-parti unique ont exprimé leur indignation, même si les quatre mouhafedhs nommés par Saâdani ont clairement affiché leur soutien au SG du FLN. "Nous sommes choqués par les sorties médiatiques d'Amar Saâdani qui est en train de nuire au parti des chouhada. La réaction des mouhafedhs est aussi choquante car on ne devrait pas soutenir quelqu'un qui ne pense pas à l'avenir du parti", nous dira Aïtou Rochdi, un responsable de la kasma d'Aïn Azel au sud de la wilaya et membre de l'APW de Sétif. Et d'ajouter : "Dans l'avenir, nous n'allons pas trouver d'alliances. Le secrétaire général du parti est en train de nous faire des ennemis gratuitement." Il est à noter que pas moins de 20 kasmas se sont exprimées contre les déclarations du SG du parti. Il est à noter aussi qu'au moins cinq des huit députés FLN de Sétif à l'APN ont refusé de cautionner les propos d'Amar Saâdani. Même constat dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj où la plupart des élus et des partisans du FLN sont indignés, voire outrés par les dernières déclarations d'Amar Saâdani qui, selon eux, n'engagent que sa personne. "Le discours de très bas niveau est une atteinte à l'intelligence des vrais militants du FLN qui se penchent beaucoup plus sur les thèmes qui intéressent le pays et enrichissent la scène politique, économique et sociale", nous dit-on. "Cette descente dans le ‘caniveau' ne symbolise en aucun cas le vrai FLN qui est un laboratoire de programme, une école de formation d'hommes d'Etat, un outil d'évolution d'un Etat fort et un facteur de stabilité sociale", dira, par ailleurs, le sénateur Djaâfar Boualem. Et d'ajouter : "Nous sommes, en outre, choqués de la réaction humiliante de certains ministres de la République qui applaudissent les déclarations d'Amar Saâdani." Notre interlocuteur indiquera, dans ce sens, que des rencontres régionales vont être organisées avec les militants du Sud, de l'Ouest et du Centre. À Bordj Bou-Arréridj, des pétitions circulent pour dénoncer ce genre de discours qui "ne font honneur ni au FLN ni au pays". De nos correspondants