Le bonheur est une force magique. La fête est un trésor inestimable. La fête est un art de vivre. La fête est une résistance humaine. Je médite sur les trois cent-soixante-cinq jours de l'année, et je me dis : mon Dieu nos jours ont des noms de fêtes ! Un jour sur deux, sur le calendrier grégorien ou islamique, est un jour de fête. Le calendrier me confirme que nous sommes un peuple de fête, en fête, pour la fête ! Vrai ou faux ? Notre calendrier est garni de dates des fêtes nationales : le 5 juillet est la fête de l'indépendance. Le 1er novembre, fête de la révolution. Le 19 mars fête de la gloire. Le 19 juin, fête du redressement révolutionnaire, il a été supprimé de la liste des fêtes ! Notre calendrier islamique est agrémenté des fêtes religieuses : le ramadan qui chaque année change de place selon le calendrier grégorien, mais il ne rate jamais son rendez-vous annuel. La fête de l'aïd el seghir, celui des gâteaux et des vêtements neufs pour les enfants. L'aïd el kebir, celui du mouton où, à l'occasion, annuellement, nos grandes villes se métamorphosent en étables pour les moutons qui envahissent, pendant un mois, voire plus, les rues et les places publiques. La fête de Achoura, je ne sais pas pourquoi, nous sommes le seul pays au Maghreb et dans le monde arabe qui fête cette journée. La fête du 1er Moharrem, le nouvel an de l'hégire. Et nous fêtons El Mawlid ennabaoui, l'anniversaire de la naissance du Prophète Mohamed QLSSSL. Et les Algériens réclament l'officialisation d'une autre fête : le premier jour de l'année berbère, ce qui correspond au 14 janvier. Un jour chômé payé. Nous célébrons les fêtes chrétiennes : le nouvel an chrétien et Noël aussi, même en cachette et en hypocrisie ! Notre calendrier agricole, lui aussi, est plein de dates des fêtes des fruits et des légumes : la fête de la tomate, la fête de la cerise, la fête de l'orange, la fête de la figue fraîche, la fête de la datte, la fête de la figue de Barbarie, la fête de l'abricot, la fête de l'olive. Et nous célébrons la fête du travail, 1er mai, même si on n'a jamais travaillé, ou très peu ! Il y a aussi d'autres fêtes : la fête des bijoux, la fête de la djellaba, la fête du tapis, la fête du burnous, la fête du cheval. Nous célébrons des fêtes culturelles : fête de l'artiste, fête du cinéma, fête du théâtre, fête de la musique (tous genres de musiques : raï, malouf, chaâbi, imzad et même le jazz...) Il existe aussi des fêtes familiales : les mariages de nos garçons et de nos filles, les circoncisions. Nous célébrons la fête de la femme, la fête des mères, la fête des pères, la fête des grand-mères, la fête internationale de l'enfance, la fête de l'enfant africain. Nous avons, en notre possession, toute cette longue série de fêtes, et nous sommes une société triste. Nous nous sommes gavés de dates festives et nous sommes trop tristes ! Nous comptons un nombre consistant de fêtes et nous ne sommes pas des fêtards ! Nous sommes obscurcis. Nous cultivons la culture de la mort et nous boycottons celle de la vie. Nous enseignons à nos enfants les poèmes de la mort et de la guerre et nous excluons la poésie du bonheur et de l'amour. Nous n'avons pas de culture de la fête. Le bonheur est étouffé tantôt par l'hypocrisie religieuse tantôt par l'hypocrisie politico-sociale. Nous sommes une société de la mélancolie, des préjugés et des suicides. Notre bonheur est décampé, reporté pour le Jour dernier. Nous rêvons d'un bonheur dans le monde de l'au-delà tout en écoulant nos jours en marasme dans ce merveilleux bas monde ! Le peuple qui ne sait pas comment célébrer la fête est un peuple incapable de construire une vie humaine et honorée. A. Z. [email protected]