Rachid Nekkaz a été mis en garde à vue avant de se voir notifier une convocation au tribunal de grande instance de Paris pour le 20 janvier prochain afin de répondre du grief de "manifestations non conformes". Le fait est inhabituel : la vie politique algérienne vient de s'insinuer en France avec l'interpellation, mardi à Paris, de Rachid Nekkaz qui ne cesse, rappelle-t-on, d'y battre le pavé en organisant depuis presque un an des rassemblements devant les biens immobiliers acquis par des dirigeants algériens en France. Difficile, en effet, de ne pas établir, aujourd'hui, de lien entre les déboires que vient de vivre l'homme politique Rachid Nekkaz et les accusations dont il a fait l'objet récemment de la part d'Amar Saâdani, lui-même soupçonné d'avoir acheté un appartement dans le quartier huppé de Neuilly-sur-Seine. Ainsi, alors qu'il s'apprêtait à prendre le train pour Cherbourg en France où il avait rendez-vous avec la presse, Rachid Nekkaz a été interpellé par pas moins de 11 policiers à la gare Saint-Lazare à Paris. Il sera aussitôt mis en garde à vue durant la journée entière de 7h à 18h45 avant de se voir notifier ensuite une convocation au tribunal de grande instance de Paris pour le 20 janvier prochain afin de répondre du grief de "manifestations non conformes". Pour l'inculpé, c'est le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a donné l'ordre de cette arrestation plutôt musclée. Selon lui, le ministre français aurait cédé non seulement à des pressions d'Alger mais également à une motivation beaucoup plus personnelle. Bernard Cazeneuve était, en effet, le maire de Cherbourg où Nekkaz avait l'intention de payer la 1 170e amende anti-niqab depuis 2010. D'après cette assertion, le ministre français n'aurait pas supporté cette "provocation de trop" d'autant qu'il vient de déposer un amendement à un projet de loi en lecture au Sénat afin d'interdire précisément le paiement de cette amende par un tiers. La veille même de cette interpellation, et par un curieux hasard éditorial, Le Figaro dressait un portrait au vitriol du "millionnaire algérien" : "Qui est Rachid Nekkaz, l'homme qui paye les amendes des femmes en burqa ?" Quand "Le Figaro" s'en mêle Présenté sous des traits peu amènes, le "trublion provocateur" semble, à en croire Le Figaro, s'être fait une spécialité des "causes farfelues et hétéroclites". Cet article jette froidement la suspicion sur le "millionnaire algérien" pour lequel il ne manque pas de s'interroger sur l'origine de sa fortune. Le même jour, Nadine Morano, l'eurodéputée de droite, emboîte le pas au Figaro en exigeant l'expulsion pure et simple du territoire français de Rachid Nekkaz ainsi que le blocage de tous ses comptes bancaires. L'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy juge intolérable que Rachid Nekkaz continue à financer des amendes dressées aux femmes portant le voile intégral en France. Ainsi, du jour au lendemain, Rachid Nekkaz est devenu quasiment un problème majeur en France. Une levée de boucliers à son encontre qui fait étrangement écho à la dénonciation publique d'Amar Saâdani qui, lui, prétend que c'est un "agent de Toufik", l'ancien patron des services de renseignement algériens. Cette affaire a, de toute évidence, des relents de barbouzerie, sachant que les accusations d'intelligence avec une puissance étrangère, en l'occurrence avec l'ancienne puissance coloniale, ne datent pas d'aujourd'hui : les médias se sont, plusieurs fois, interrogés non seulement sur le fait incongru que l'actuel secrétaire général du FLN puisse disposer d'une carte de résident en France, mais aussi sur l'origine des fonds qui lui ont permis de procéder à l'acquisition d'un bien immobilier en France, alors que la réglementation des changes algérienne n'autorise pas, à cet effet, le transfert de devises à l'étranger. Ayant fait fortune, pour sa part, dans l'immobilier en France, Rachid Nekkaz sait de quoi il parle, dans le cas d'espèce. Ses dernières interventions, empêchées, du reste, par la police française, semblent avoir fait mouche puisqu'elles ont permis de mettre à nu la complaisance sinon l'hypocrisie des autorités françaises à l'égard de ceux qui ont pillé l'Algérie. Mohamed-Chérif Lachichi