Alors que la Syrie manœuvre pour maintenir sa présence et son influence sur ce pays, les Libanais voient leur avenir de plus en plus incertain. Si l'opposition au président Emile Lahoud accentue sa pression, avec le soutien de l'Occident, pour une évacuation des forces syriennes, la présence des ces dernières est souhaitée par une partie des Libanais, avec à leur tête le Hezbollah. C'est dire que le moment est à la division à Beyrouth. Hier, c'était au tour des prosyriens d'occuper les rues de la capitale libanaise pour manifester leur désir de voir les militaires de Damas demeurer chez-eux. Le Hezbollah, du cheikh Nasrallah, prédit le chaos si jamais Bachar al Assad retire son armée. Quand on connaît la force politique et militaire de ce mouvement, l'inquiétude est de mise. Cette situation traduit l'absence d'unité dans les positions de différentes composantes de la classe politique et de la société civile libanaise. Il sera très difficile de garder le fragile équilibre entre les différentes communautés confessionnelles né de l'accord de Taef (Arabie Saoudite) en 1989. Tirant apparemment profit de cette division, la Syrie manœuvre pour ne pas perdre cet ultime bouclier contre la menace israélo-américaine. Les décisions du Conseil supérieur libano-syrien de procéder à un retrait des troupes de Damas vers la plaine de la Bekaa, sans évoquer un départ total, donne un aperçu sur les intentions d'Al Assad. Cela n'a pas manqué de soulever le courroux de Bush et Chirac, qui ont à nouveau appelé au retrait total de la Syrie du Liban. Aussitôt, les conclusions du sommet Lahoud-al Assad rendues publiques, les présidents français et américain ont insisté au cours d'un entretien téléphonique sur la nécessité de mettre en œuvre la résolution 1559 du conseil de sécurité de l'ONU. Ils ont réaffirmé “leur détermination à obtenir l'application pleine et entière de la résolution 1559 de l'Onu, ce qui passe par le retrait des forces étrangères et des services et par des élections authentiquement libres, transparentes et démocratiques”. Par ailleurs, M. Roed-Larsen est attendu dans les prochains jours à Beyrouth et à Damas pour des discussions portant sur l'application de la résolution 1559 et pour inciter à un retrait total des troupes syriennes, selon un porte-parole du secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan. Sur le terrain, l'essentiel des éléments syriens étaient toujours en place hier matin et on ne notait que quelques mouvements de camions transportant du matériel et des meubles depuis les montagnes du centre vers la Bekaa. Ceci étant, Bachar al Assad a en effet franchi un grand pas en annonçant solennellement devant le Parlement syrien un repli en deux temps de ses troupes, dans une première étape, vers la plaine libanaise de la Bekaa, puis vers la frontière internationale. Reste à savoir s'il ira jusqu'au bout, car l'avenir du Liban est tributaire de la liberté d'action et de mouvement de l'ensemble de sa composante pour asseoir une véritable démocratie, sans contrainte extérieure. K. A.