La communauté universitaire et les enseignants et étudiants de l'Ecole nationale supérieure d'agronomie d'El-Harrach organisent, ce matin, un rassemblement devant le siège du ministère de l'Enseignement supérieur afin de dénoncer "le licenciement abusif" de deux enseignants chercheurs. Récemment, le conseil de discipline de l'Ecole d'agronomie s'est, en effet, réuni et décidé de licencier Rosa Issolah et Aïssa Abdelguerfi, professeurs respectivement de sciences de l'information et de la communication, et d'agronomie et de ressources génétiques et pastorales. Cela, sans les avoir convoqués préalablement, sans même les écouter ni leur assurer une défense. La décision de renvoi leur a été transmise ce 8 novembre 2016. Quant au professeur Nadjia Zermane, elle attend le résultat de ce même conseil de discipline, qui s'est également réuni en son absence. Les professeurs sanctionnés font partie d'un collectif d'enseignants de l'Ensa, soucieux d'une formation de qualité rimant avec "un système d'ascension sociale par le mérite" et respectant "le principe d'égalité des chances" dans l'enseignement qui, il faut le souligner, est conforme à la Constitution algérienne (article 32). Un groupe d'enseignants qui ont effectué toutes les démarches légales et saisi par écrit tous les responsables concernés, du directeur de l'Ecole au président de la République, en passant par le ministre de l'Enseignement supérieur, pour dénoncer, entre autres, les "inscriptions illégales" accordées par le ministère de tutelle, permettant à certains bacheliers et étudiants d'accéder en classes préparatoires "sans la moyenne requise" ou de s'inscrire au doctorat "sans concours". Face au silence assourdissant de leurs vis-à-vis, ils ont alors demandé de diligenter une commission d'enquête "indépendante" et la défense du "projet d'excellence à la hauteur des défis de la sécurité alimentaire". Au lieu d'être applaudis et félicités pour leur professionnalisme et pour l'attention qu'ils portent à la formation de l'élite algérienne, ces enseignants de l'Ensa ont eu droit à une batterie de représailles, dont le retrait des charges pédagogiques et ses conséquences sur leur fiche de paie. Plus grave encore, ce sont particulièrement les femmes enseignantes qui ont été ciblées et blâmées, dans le but de mettre un terme définitif à "la liberté académique et d'opinion". Qu'on s'en rende compte par soi-même. Rosa Issolah est la première femme algérienne professeure en sciences de l'information et de la communication, pionnière des nouvelles technologies et du numérique, ancienne élève de la prestigieuse Enssib de Villeurbanne, docteur de l'université Lumière de Lyon et ancienne auditrice de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie de Paris. Nadjia Zermane, incarnant la jeune élite universitaire, a soutenu sa thèse de doctorat à l'université de Kassel en Allemagne et fait partie d'une délégation de femmes scientifiques sélectionnées, en 2014, dans le cadre d'un programme sur l'innovation féminine dans les sciences et l'engineering (USA). Mais il y a d'autres jeunes enseignantes, qui sont au sommet de leur carrière, comme le docteur Hamida Benslimane, maître de conférences, ou le docteur Meriem Laouar, femme de laboratoire et de terrain, connue mondialement, qui a construit "un background scientifique dans les domaines des ressources génétiques, de l'amélioration des plantes, de la sélection et des biotechnologies". Aujourd'hui, avec ces deux licenciements et les menaces qui pèsent sur le professeur Nadjia Zermane et les autres membres du collectif, l'affaire de l'Ensa a pris des proportions très graves. Hafida Ameyar