Des dizaines d'enseignants et d'étudiants de diverses facultés et spécialités, ainsi que des militants des droits de l'Homme se sont rassemblés, hier, devant le siège du ministère de l'Enseignement supérieur, à Ben Aknoun (Alger), pour exprimer leur opposition au licenciement "abusif" et "illégal" de 2 enseignants-chercheurs de l'Ecole nationale supérieure d'agronomie (Ensa, ex-INA) d'El-Harrach, les professeurs Rosa Issolah et Aïssa Abdelguerfi. Des doctorants et autres universitaires, dont certains venus d'autres wilayas (Tipasa, Tizi Ouzou, Chlef, M'sila, Khemis Miliana...), portaient des banderoles et des pancartes sur lesquelles on pouvait lire notamment : "Non aux représailles contre les consciences scientifiques et contre les universitaires algériens", "Liberté académique et égalité des chances des étudiants", "La tyrannie et la science ne peuvent pas cohabiter" et "Réintégration des professeurs licenciés". Dans son communiqué, le collectif des enseignants de l'Ensa a rappelé avoir transmis "plus d'une vingtaine de requêtes" au ministère de tutelle et à ses "collaborateurs" pour les informer de l'importance de "défendre un projet de Grande Ecole agronomique au service de la sécurité alimentaire de l'Algérie" et pour dénoncer les "graves dysfonctionnements" et les "irrégularités" dans les conditions d'accès au doctorat (sans concours) et en classes préparatoires (sans moyenne requise) pour certains candidats et bacheliers. Résultat : la direction de l'école les a traduits devant un conseil de discipline, qui a prononcé le licenciement des deux enseignants, en leur "absence" et sans respect de leur droit à "la défense" prévu pourtant dans le statut de la Fonction publique, en leur reprochant d'avoir commis "une faute professionnelle de 4e degré". Autrement dit, ils ont été sanctionnés "sur la base de griefs, qui se regroupent autour de (leurs) articles dans la presse nationale, ce qui n'est pas du tout qualifié par la Fonction publique comme une faute professionnelle" (article 181 dudit statut). Enfin, les rédacteurs du communiqué ont revendiqué "l'annulation" des licenciements et le "rétablissement" des enseignants dans tous leurs modules, "la prise en compte" des besoins d'encadrement des étudiants préparant le doctorat (doctorants), qui étaient suivis par les enseignants suspendus, ainsi que le recouvrement de "la place stratégique" de l'Ensa en matière de soutien à la sécurité alimentaire et à la recherche. Sur les lieux de la contestation, bon nombre de participants, dont des enseignants ayant fait leurs classes avec les professeurs licenciés, ont exprimé leur indignation quant aux licenciements d'enseignants "compétents" et "intègres", à l'image, entre autres, du Pr Aïssa Abdelguerfi, reconnu à l'échelle internationale, décoré de la médaille de mérite de la FAO et primé par la fondation Thompson Reuters. Hier, l'historien Daho Djerbal n'en revenait pas de ces "décisions contraires à la loi" émanant "d'autorités parachutées, sans crédit universitaire et académique". Lui-même victime en 2000 de sanctions "illégales", ce dernier a rappelé que son problème a fini par se régler grâce à la protestation de ses étudiants. Outre les "décisions arbitraires et illégales à l'intérieur des universités algériennes", l'historien a aussi déploré "la perte du pouvoir académique". Un autre enseignant de l'université de Bab-Ezzouar a dénoncé, pour sa part, la situation qui prévaut dans les universités, y compris dans les laboratoires de recherche. "Vous trouvez normal que 90% des thèses dans le domaine scientifique ont été réalisées à l'étranger", a exposé le physicien, en appelant à "sanctionner les irresponsables à l'origine des dégâts dans le fonctionnement des universités". Quant à cet enseignant de l'Ecole des hautes études commerciales de Koléa, il a précisé que les enseignants licenciés de l'Ensa "ne doivent pas se retrouver seuls, sinon ils seront broyés". D'où son appel pour "internationaliser le problème", afin de se protéger contre "les voyous" et pour montrer "qu'il y a encore des gens sains en Algérie". H. Ameyar