Pour l'avoir négligé pendant longtemps ou sous-estimé sa nuisance, dont la forme fatale est le cancer du foie, les pouvoirs publics, notamment le ministère de la santé est en passe de faire face à un grave problème de santé publique. L'hépatite C, ce dangereux virus revêtant une forme spécifique chez nous (génotype 1B), qui souvent ne répond pas aux traitements, tend à infecter des dizaines de citoyens. Le constat a été fait, hier, par des spécialistes de la maladie lors d'une journée d'étude organisée par l'Association nationale de lutte contre l'hépatite C. L'ampleur des dégâts a été découverte, fortuitement, lors de consultations routinières dans les régions de Batna, Khenchla, Skikda et Barika. 50% des malades traités par les services de l'hôpital Mustapha-Pacha et de Bologhine sont originaires de ces régions. Cela ne veut pas dire, disent les spécialistes réunis hier à l'hôtel Mahdi de Staouéli, que le reste du pays est épargné par ce virus. En l'absence d'enquête capable de fournir des données chiffrées sur la situation, nul ne veut s'avancer sur la cartographie de la maladie dont la prévalence en Algérie est estimée à environ 320 000 cas. L'hépatite C est une maladie qui tue. Son traitement est très onéreux. Il est de 1 220 000 DA. Ajouté à cela d'autres problèmes : le manque de services de gastroentérologie et de moyens matériels. Le professeur Boussekine, chef de service au CHU Mustapha-Pacha, indiquera que sur tout le territoire national, il n'existe que huit unités et seulement six médecins spécialisés en exercice. La Tunisie, selon lui, est beaucoup mieux dotée en la matière. Elle possède 12 services et une vingtaine de spécialistes opérationnels. Donc, à défaut de données réelles, les participants à la rencontre de l'hôtel Mahdi ont longuement débattu l'origine de ce virus qui tue autant que le sida. Ils s'accordent tous à dire que la plupart des cas sont dus à des infections nosocomiales, autrement dit, le manque d'hygiène dans le milieu hospitalier. De l'aveu même des praticiens de la santé présents sur place, il y a un manque flagrant de matériel de stérilisation, de gants et autres outils usités dans les établissements sanitaires. Il y a des hôpitaux où les forceps, par exemple, ne sont pas stérilisés mais nettoyés seulement à l'aide de compresses. Et lorsque l'on sait que l'hépatite C se transmet par le sang, il est inévitable que dans des cas similaires, le virus ne trouvera aucun problème à toucher un autre patient. Ce sont là quelques problèmes survolés par les médecins réunis par l'Association nationale de lutte contre l'hépatite C, mais le hic : pourquoi le ministère de la santé a-t-il attendu aussi longtemps pour lutter contre cette maladie pourtant identifiée en Algérie depuis déjà plusieurs années ? Sa responsabilité est entièrement engagée devant ce problème de santé publique. Beaucoup ne comprennent d'ailleurs pas pourquoi le département en question ne dispose d'aucune étude, n'a fait aucune enquête, n'a mis aucun moyen pour venir à bout de ce virus dont nul n'est à l'abri vu l'état de nos structures sanitaires qui ne disposent, par ailleurs, pas de moyens de banalisation des déchets d'activités de soins à risques infectieux ? Le même département ne dispose d'aucune information capable, par ailleurs, de nous renseigner sur le niveau de mortalité provoquée par l'hépatite C. Le traitement le plus efficace, le fameux (interferon Pégylé) est quasi introuvable dans les établissements de santé... Aujourd'hui, l'institut Pasteur, qui a eu jusque-là à supporter toutes les charges de dépistage, se montre encore prêt à se mettre à la disposition des pouvoirs publics pour une enquête nationale. Pour peu que ceux-ci mettent les moyens nécessaires. K. D.