La multiplication des intervenants dans la résolution de la crise libyenne a été, jusque-là, contre-productive en raison des différents agendas de chaque partie, que ce soit à l'intérieur du pays ou aux niveaux régional et international. Au moment où le président du Parlement élu et exilé à Tobrouk, Aguila Salah, est reçu au siège du ministère des Affaires étrangères à Alger par le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel, le controversé général Khalifa Haftar s'est envolé pour Moscou pour tenter d'arracher un soutien de taille de Vladimir Poutine. Le tout pour tenter de trouver une issue au blocage politique auquel est confrontée la Libye depuis l'adoption, en décembre 2015, de l'accord de paix onusien de Skhirat (Maroc), d'où est issu un Gouvernement d'union nationale (GNA) plus que jamais contesté par deux autres gouvernements parallèles, non reconnus, par la communauté internationale. Ce calendrier des déplacements intervient à un moment précis, marqué par d'intenses tractations entre les parties libyennes, principalement sous médiation algérienne et tunisienne. En effet, depuis quelques semaines, un ballet des principaux acteurs libyens est observé à Alger qui appelle à un dialogue libyen-libyen sans exclusive, loin de toute pression étrangère, estimant que seule la voie politique est à même de résoudre la crise et de mettre fin à la présence terroriste dans ce pays voisin, ainsi que dans l'ensemble de la sous-région de l'Afrique du Nord et la bande sahélo-saharienne. Moscou, qui veut se redéployer dans la région après avoir été opposée à l'intervention de l'Otan en 2011, partage la même vision qu'Alger en la matière. Même si le général Haftar ne semble pas être dans les bonnes grâces de l'Algérie, certainement pour sa volonté d'imposer son leadership par des moyens détournés, autre que le dialogue politique, il est néanmoins possible de le convaincre à travers ses alliés au sein du gouvernement parallèle de Tobrouk et du Parlement conduit par Aguila Salah. Il faudra, toutefois, réussir à réduire de l'influence des Frères musulmans libyens qui constituent un sérieux blocage dans la recherche d'une solution consensuelle. Les diplomaties algérienne et russe peuvent jouer leur rôle sur ce terrain, en s'appuyant sur la Tunisie qui a intérêt, plus que les autres, à assister à un retour rapide à la normale en Libye. Mais pourquoi s'appuyer sur un pays aussi fragile et en manque de moyens pour ramener les Libyens sur la seule voie de dialogue ? Nul n'ignore les liens très étroits entre la branche tunisienne des Frères musulmans, la Turquie d'Erdogan, le Qatar et les Frères musulmans libyens qui contrôlent Tripoli et qui sont sur le point de mener une opération de chasse aux sorcières contre le GNA dirigé par Fayez al-Serraj. D'un côté, Alger pourrait compter sur la collaboration de Rached Ghannouchi, le leader d'Ennahdha (Frères musulmans tunisiens), pour faire pencher la balance de son côté, et de l'autre, Vladimir Poutine peut également user de ses relations avec Recep Tayyip Erdogan pour convaincre la Turquie d'apporter sa contribution, en contrepartie de quelques concessions de Moscou en faveur d'Ankara dans ses mouvements en Syrie. Mais faudrait-il aussi endiguer totalement la menace terroriste, tout en pressant parallèlement l'ONU à jouer pleinement son rôle de médiateur, loin de toute attitude paternaliste de la part de son émissaire allemand, Martin Kobler, et de membres permanents du Conseil de sécurité. Lyès Menacer