Résumé : Kader reprend ses esprits et propose à sa femme de remettre le petit à la police. Mais cette dernière refuse catégoriquement d'entendre raison. Cet enfant leur a été envoyé par la providence, et elle ne compte pas le lâcher de sitôt, malgré les insistances de son mari. Elle rit encore. -Tu es vraiment optimiste, toi. -Khadidja, s'il te plaît, rentrons chez nous. Je me sens si dépaysé dans ces lieux, et si coupable que lorsque je descends au village, j'ai l'impression que les gens me déshabillent du regard. -Alors ne descends plus. Je pourrais m'y rendre moi-même pour les courses. Il secoue la tête. -Tu n'y penses pas ! L'homme reste à la maison, et la femme descend faire des courses au village ! -Ne sois donc pas vieux jeu. Les femmes de nos jours valent des hommes. Kader regarde sa femme. Elle avait pris du poids avec l'âge et devenait de plus en plus capricieuse et autoritaire. Elle avait vraiment changé. Ses souffrances d'autrefois remontaient à la surface. Dans la famille, on l'avait traitée de poule stérile et on lui avait conseillé de la répudier pour prendre une femme plus jeune et plus fertile. Il n'avait jamais écouté ces mauvaises langues. Mais il avait été lâche. Oui. Lâche et ignoble. Personne n'avait su que lui-même était stérile. Sauf Khadidja. Il avait considéré cette "tare" comme honteuse, car on lui avait toujours assuré que la stérilité ne concernait que les femmes, tout en citant des exemples concrets. Pauvre Khadidja. Elle avait souffert de par sa faute aussi. S'il avait eu le courage de dire la vérité, il aurait peut-être quelque peu soulagé sa conscience et évité à Khadidja d'être la seule accusée. Le petit venait de terminer son chocolat. Khadidja prend un mouchoir et lui essuie les doigts et la bouche. -Il aurait pu avoir l'âge de nos petits-enfants. Elle hoche la tête. -Oui. Mais nous n'avons pas d'enfants ni de petits-enfants. -Nous n'avons pas le droit non plus de le garder avec nous. Elle pousse le petit derrière son dos. -Je le garderai. Contre vents et marées, je le garderai avec moi. Tu peux partir si tu veux. -Hein ? Et comment vais-je expliquer ton absence au quartier ? -Ce ne sont pas les arguments qui manqueront. Je suis malade, je suis en visite chez des parents, je suis morte. Et puis tu n'as pas à expliquer aux gens ce qu'on fait, ni leur demander ce qu'on doit faire. Kader toise sa femme. -Je vais rentrer tout de suite et tu vas m'accompagner. -Non, non et non ! Il se radoucit. -Ecoute Khadidja, il est vrai que nous ne sommes pas riches, mais j'ai mis un peu d'argent de côté. Nous pourrions faire une omra. Rendons cet enfant à ses parents et allons prier Dieu de nous pardonner cette incartade. Elle ricane. -Je ne veux pas faire de omra. J'ai un enfant sur les bras qui a besoin de toute mon affection. -C'est ton dernier mot ? -Bien sûr. Alors ne vient pas te plaindre si la police débarque ici pour t'embarquer. Elle pâlit. -Ne me dis pas que... -Si. Je vais me rendre à la police et tout raconter. Tu verras que... Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Il sentit une grande masse sur son crâne et une forte douleur avant de sombrer dans le noir. Racim verse un grand verre d'eau et le tendit à sa femme. Narimène n'avait pas bonne mine, mais maintenant qu'il était au courant de son double état, il ne s'en soucia pas. -Comment te sens-tu ? Elle fait la moue. -Comme quelqu'un qui a voyagé hors du temps. -C'est l'effet des médicaments. Et... Il ébauche un petit sourire. -Pourquoi m'as-tu caché ton état ? Elle croise ses doigts, et il remarque la tristesse de ses traits. -Tu veux parler de ma grossesse ? -Oui. Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? (À suivre) Y. H.