Les 8es Journées internationales du marketing touristique, organisées récemment à Alger, ont encore une fois mis l'accent sur la "nécessité" d'appliquer les divers schémas directeurs d'aménagement touristique (Sdat) propres à chaque région du pays. Ainsi, le directeur de l'aménagement touristique auprès du ministère de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et de l'Artisanat, Abdelhamid Terghini, a mis en exergue "le rôle incontournable" d'une association du secteur du tourisme aux efforts de développement économique, à travers la promotion de l'investissement, le soutien à la création et l'amélioration de la qualité des services. À Bouira, le potentiel touristique est loin d'être négligeable. Mieux encore, cette wilaya peut se targuer d'avoir été gâtée par la nature. Et pour cause, elle bénéficie d'un important potentiel, naturel et touristique, d'espaces montagneux et forestiers, sites historiques et archéologiques..., etc. Tous ces atouts lui permettent de se prévaloir du statut de wilaya à vocation touristique par excellence. Néanmoins, et comme l'ont si bien indiqué les participants aux 8es Journées du marketing touristique, toute cette richesse touristique est laissée à l'abandon par les pouvoirs publics. L'ancien ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Hadj Saïd Mohamed-Amine, était l'un des rares responsables de ce secteur, à pointer du doigt le manque d'application des Sdat. D'ailleurs, en janvier 2013 et lors de sa visite à Bouira, cet ancien ministre avait déclaré que "la wilaya de Bouira fait face à un déficit en matière de promotion touristique". Trois ans plus tard, les différents responsables qui se sont succédé à la tête du tourisme n'ont pas pu booster ce segment stratégique de l'économie nationale. À l'échelle de Bouira, le Sdat, du moins sur le papier, paraît des plus ambitieux. Il vise à dessiner les contours d'une politique touristique viable, afin de savoir quel genre de tourisme est à privilégier dans une wilaya possédant autant d'atouts. Des atouts à revendre... Et des atouts, Bouira n'en manque pas. Ainsi, et en ce qui concerne le tourisme thermal, elle possède nombre de sources thermales traditionnelles, dont les vertus thérapeutiques ne sont plus à démontrer. Dans la commune d'El-Hadjra Zerga, à l'extrême sud de la wilaya, on trouve trois sources thermales : Si-Saïd, Oued D'hab et Draâ Djemaâ. À Taguedit, on retrouve également deux sources, à savoir : Oued Akhris et Ouled Chahba. Et dans la commune de Dirah, il y a la source d'El-Hammam. Cependant, parmi tous ces bassins thermaux, une seule source est relativement exploitée, celle de Hammam Ksana, relevant de la commune d'El-Hachimia. Le tourisme historique est également "oublié" par les autorités. Ainsi, dans la commune de Sour El-Ghozlane, on retrouve quelques vestiges de l'empire romain, mais dans un état peu reluisant, à El-Hakimia, il y a le célèbre tombeau de Takfarinas, mais à vrai dire, tout est laissé en friche. Il y a également le site historique de Tachachit, au village Crête-Rouge dans la commune d'El-Adjiba (Est de Bouira) et qui a été enregistré dans le patrimoine national en 2009. Néanmoins, ce site demeure irrémédiablement à l'abandon, à cause notamment, des propriétaires terriens qui s'opposent à toute fouille archéologique. Enfin, qui dit Bouira dit forcément tourisme de montagne. Là aussi, les potentialités touristiques sont énormes, mais superbement négligées. D'abord le Parc national du Djurdjura (PND), dont la partie relevant de Bouira, représente 8 210 hectares. Il renferme le tiers de la flore (990 espèces) algérienne et il abrite également la majorité des mammifères et oiseaux d'Algérie et d'Afrique du Nord. Ensuite, il y a bien évidemment le joyau de Bouira : le mont Tikjda. Ce site, qui culmine à 1 478 mètres d'altitude, offre des paysages féériques en toute saison. Cependant, il n'est guère mis en valeur. Preuve en est, il ne dispose même pas de remontée mécanique et la seule infrastructure hôtelière et celle du complexe du Cnlst, dont la vocation touristique reste facultative. Une politique touristique à vau-l'eau Tous ces atouts peuvent propulser Bouira au rang de wilaya touristique. Cependant, on revient encore et toujours au manque de marketing touristique, ou en d'autres termes, de vision touristique de la part de l'Etat et des investisseurs privés. Première incohérence, les lieux d'hébergement : Bouira ne dispose en tout que de dix hôtels, et pratiquement tous sont situés en milieu urbain, précisément au chef-lieu de la wilaya. Sur ces dix hôtels, deux seulement sont situés en montagne, à savoir le Cnlst de Tikjda et le chalet du Kef, dans la même région. À Sour El-Ghozlane, il existe une auberge touristique certes, mais qui sert d'hôtel pour les équipes de football... À Tikjda, on ne trouve ni station de ski digne de ce nom, ni piste skiable, ni télésièges... juste un hôtel, un restaurant, une cafétéria et... c'est tout ! S'agissant des autres sites, à l'instar des fameuses gorges de Lakhdaria, de Tala Rana ou d'Aïn Zebda, ils sont carrément inexploités et inexplorés. En somme, rien ou presque n'a été fait pour valoriser les richesses intrinsèques de cette région. D'ailleurs, l'ex-ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Amar Ghoul, qui excelle dans l'art de la rhétorique et des faux-fuyants, lors de son passage à Bouira, n'a pas trouvé de mots pour exprimer son impuissance devant cet état de fait, sauf un "dommage..." lourd de sens. Pourtant si les autorités concernées avaient réellement appliqué les directives du Sdat, la situation aurait été toute autre. En effet, ce schéma préconisait, entre autres, de faire du tourisme l'un des moteurs de la croissance économique, impulser par "un effet d'entraînement" les autres secteurs économiques (agriculture, BTPH, industrie, artisanat, services), combiner la promotion du tourisme et l'environnement, etc. Au lieu de cela, Bouira reste "engluée" dans sa réputation — exagérée — de wilaya agricole par excellence, alors qu'elle pourrait être la locomotive d'un tourisme de masse. RAMDANE BOURAHLA