"Cette décision du gel est, de notre point de vue, insensée", a estimé le coordinateur national du syndicat. Touchés dans leur dignité après l'agression dont ont été victimes certains de leurs collègues de l'université d'Alger III, jeudi dernier, de la part d'"intrus", qualifiés de "baltaguis", des enseignants de plusieurs facultés d'Alger, soutenus par d'autres enseignants venus, y compris de certaines universités de l'intérieur du pays, ont tenu hier à Ben Aknoun (Alger) un sit-in de protestation devant le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Les protestataires, une soixantaine environ, rassemblés à l'appel du Cnes, ont dénoncé "l'agression" dont ont été victimes leurs collègues. "Non aux baltaguia", "nous sommes des enseignants responsables", sont autant de slogans scandés. "Nous sommes venus pour protester contre cette violence dans les universités. Cette violence démontre que ce système ne veut pas d'élite critique. À travers les baltaguis, on veut faire peur aux enseignants. Je suis venu pour dire que, personnellement, je n'ai pas peur", soutient Fatma Oussedik, professeur de sociologie à l'université Alger II. Même cri de colère chez Khaoula Taleb Ibrahimi, linguiste et professeure. "Nous sommes venues, dit-elle, pour dénoncer la situation à l'université devenue le théâtre d'une violence qui traverse la société. Une violence qui empêche d'exercer le travail normalement. On veut dénoncer aussi le fait qu'on cherche à empêcher les enseignants d'élire leurs représentants syndicaux". Selon elle, à travers cette violence, "on veut mettre au pas tout le monde". "On ne veut pas qu'il y ait débat à l'université". "Il n'y a plus de respect de franchise universitaire." D'ailleurs, nous réclamons que "les responsables au sein des facultés soient élus par leurs pairs". Azzi : "Nous ne sommes pas concernés par la décision du gel" Mais cette violence n'a pas, pour l'heure, fait réagir le ministère de tutelle qui se complaît dans le silence. En guise de réponse aux incidents qui ont secoué l'enceinte de l'université d'Alger III, jeudi dernier, le ministère de l'Enseignement supérieur n'a pas trouvé meilleure parade que d'envoyer aux recteurs et aux doyens d'université une note faisant état du gel des activités du Cnes au motif qu'il dispose de deux directions, celle d'Abdelhafid Malit, issue du congrès tenu à Constantine en décembre 2016, et celle d'Abdelmalek Azzi issue du congrès tenu le 12 janvier dernier. "Cette décision du gel est, de notre point de vue, insensée. Tout le monde sait que cette aile de Malit est imaginaire. On n'est donc pas concerné par cette décision de gel émanant d'un chef de cabinet. On va continuer notre activité", a réagi Abdelmalek Azzi interrogé par Liberté. Devant les enseignants, il n'a pas manqué de rappeler que le syndicat qu'il dirige est confronté à des "entraves visant à le casser", depuis le dernier congrès. Les conditions des enseignants Tandis que le sit-in se tenait devant le ministère, les enseignants de la faculté des sciences politiques et des relations internationales, située à un jet de pierre, poursuivaient, quant à eux, pour la seconde journée consécutive leur grève. Et devant le risque d'enlisement, le recteur de l'université d'Alger III a dépêché des émissaires aux enseignants protestataires pour leur exprimer sa disponibilité au dialogue. Une invitation à laquelle les enseignants ont répondu favorablement mais assortie de conditions. Dans un texte adopté à l'issue d'une assemblée tenue hier dans l'enceinte de la faculté, la commission de suivi a considéré que ce "dialogue doit être fondé sur un minimum de confiance". Les enseignants demandent ainsi à ce que le recteur "condamne publiquement la violence dont ont été victimes certains enseignants", "qu'il annonce que l'université d'Alger III se constitue partie civile contre ceux qui ont planifié, commandité, exécuté et soutenu la violence exercée contre les enseignants". Les enseignants demandent également que "cessent toutes les actions d'intimidation contre les enseignants et leur discréditation", et "que des sanctions punitives soient prises contre ceux qui ont failli à la protection des enseignants" et, enfin, que les "conseils de discipline de toutes les facultés soient actionnés contre les étudiants impliqués dans l'agression". Karim Kebir