La feuille de route sur les réformes présentées par Alger a été adoptée en attendant le règlement de la question de l'alternance. Quelles leçons retenir du Sommet d'Alger ? Ses résolutions n'ont rien de révolutionnaires. Avec un zest de mesures annoncées tambour battant, il est évident que ce n'est pas pour demain la mue du grand “machin arabe”. Alger a, certes, réuni un grand parterre de dirigeants, mais n'a pas pu franchir la frontière psychologique pour au moins annoncer une quelconque volonté de transformer l'ordre arabe et encore moins de prendre à bras-le-corps la problématique de la démocratisation dans cet ensemble régional. Les chefs d'Etat n'ont rien voulu savoir des bruits qui sourdent au sein de leurs sociétés ni des exigences du nouvel ordre mondial. Mais, pour appâter le chaland, ils ont juré ne pas rester en marge des évolutions, soulignant que ces libertés, qu'on veut à tout prix leur imposer, seront établies à leur “propre rythme”. C'est dit : la démocratie et les droits de l'Homme ne seraient pas universels et, à leurs yeux, leurs populations seraient encore “immatures” pour des libertés. Une troïka arabe est chargée de faire patienter le monde et de vendre l'exception civilisationnelle arabe ! Cette vision a d'ores et déjà un soutien. L'exposé du jeune chef d'Etat espagnol, Zapatero, à la tribune du Club-des-Pins sur le dialogue des civilisations a été accueilli par une salve d'applaudissements. Par ailleurs, le Sommet d'Alger a évité tous les sujets qui fâchent pour éviter de briser le consensus fragile. Le prince héritier d'Arabie Saoudite a fait faux bond, entraînant dans son sillage les autres émirs du Golfe. L'émir du Qatar n'a pas obtempéré, certainement parce que depuis l'invasion de l'Irak, son pays est devenu le centre opérationnel des Etats-Unis au niveau du Moyen-Orient. Une place auparavant échue à l'Arabie Saoudite. Le roi de Jordanie a préféré se rendre aux Etats-Unis pour de nouvelles assurances de la part de George Bush. Abdallah II a tenté de mettre la pression pour accélérer la normalisation avec Israël. Sharon continue, lui, de tirer les bénéfices des divisions. Sa tactique est simple ; refus de toute négociation avec les Arabes en bloc, d'autant que cela a bien marché avec la Jordanie et l'Egypte. Moubarak est venu à Alger pour obtenir, en prévision des réformes des Nations unies, le quitus de ses pairs pour la candidature de son pays au siège de membre permanent au Conseil de sécurité. En outre, Amr Moussa, inamovible secrétaire général de la Ligue arabe, garde son poste et ses prérogatives. Le Caire aura ainsi la main sur l'organisation jusqu'en 2006. Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, s'est rendu à l'évidence : il doit ferrailler tout seul contre Sharon pour que des pressions internationales l'accompagnent dans ce tête-à-tête inégal. Le Libyen Kadhafi n'a pas failli à ses habitudes. Pas d'incidents diplomatiques, bien au contraire, il aura même détendu l'atmosphère avec un discours au final qui a fait rire la salle du Club-des-Pins. Bachar, lui, a profité pour se concerter avec le SG de l'ONU, à qui il a confirmé son retrait du Liban. Le sommet aura tout de même contribué au dégel des relations algéro-marocaines. Mohammed VI s'est non seulement baladé en solo à Alger, mais il a également pris l'engagement de remettre ses pendules à l'heure avec l'Algérie. L'UMA, de loin plus viable que la Ligue arabe, va certainement renaître de ses cendres. La rencontre Bouteflika-Mohammed VI a ravi la vedette au Sommet arabe. C'est même l'événement de cette 17e édition. D. B.