Juste après un attentat, le troisième en une semaine, dans un quartier chrétien de Beyrouth, les milieux sécuritaires ont annoncé l'abandon par les troupes syriennes de leurs derniers postes au Liban et ont franchi la frontière, dimanche, pour regagner leur pays. Il s'agit sans doute du dernier retrait militaire syrien pour le mois de mars. En butte à d'intenses pressions internationales et à des manifestations populaires massives au Liban, la Syrie s'est engagée à retirer tous les personnels, agents de renseignements et matériels militaires qu'elle avait déployés au Liban à partir du début de la guerre civile libanaise de 1975. Damas aura achevé ainsi le premier volet d'un plan d'évacuation en deux phases : en regroupant ses troupes dans la vallée orientale de la Bekaâ, dont la Syrie est frontalière, et en rapatriant ses 14 000 soldats. Une commission militaire syro-libanaise doit se réunir début avril pour fixer un calendrier de retrait définitif des forces déployées au Liban, à entendre les services de sécurité. C'est, par ailleurs, l'exigence prioritaire de l'opposition libanaise pour laquelle le président du Liban ne tient que par la grâce des services syriens, pierre angulaire du système politique syrien et de son prolongement au Liban. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui a rencontré le président Bachar à Alger, en marge du 17e Sommet arabe, a dit compter sur Damas pour achever son retrait avant les élections législatives libanaises prévues en mai. Le président libanais Emile Lahoud, condamnant l'attentat à la voiture piégée qui a fait, la veille de la messe de Pâque, dix blessés au nord-est de Beyrouth, devait, dans une déclaration au terme de son entretien avec le leader chrétien libanais Nusallah Sufier, exhorter le peuple libanais à “rester uni pour répondre à ce crime”. Plus direct, le patriarche Nasrallah Primat, de la communauté maronite du Liban et vieil adversaire de la tutelle syrienne sur le pays du Cèdre, a souligné la nécessité de coopération entre les autorités et la population pour combattre toute tentative de semer le terrorisme dans un pays, qui vient à peine de se relever d'une longue guerre civile. Lahoud et Sufier ont discuté notamment de la formation d'un gouvernement d'union nationale, après la démission du gouvernement Omar Karamé, fin février dernier, à la suite de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafik Hariri, un assassinat qui a déclenché “la révolution de Cèdres”. Le porte-parole de l'ONU a saisi cette opportunité pour rappeler que la violence doit cesser au Liban et les Libanais autorisés à décider d'eux-mêmes de l'avenir de leur pays, “sans violence ni intimidation”, et Annan a interpellé le gouvernement libanais à agir rapidement de sorte à éviter que la situation ne se détériore, lançant un appel urgent à toutes les parties concernées pour qu'elles fassent tout ce qu'elles peuvent pour sauvegarder la stabilité et l'unité nationale du Liban. Le Liban est à la croisée des chemins : soit il renforce son indépendance et sa souveraineté dans les libertés démocratiques, ce que la plupart des Libanais souhaitent, soit l'agitation et les difficultés reprennent. D. B.