Le chef de l'Etat, qui devait prononcer un discours à l'ouverture des travaux, a dû reporter son intervention à cause de son déplacement à l'Académie de Cherchell où il a accompagné Mouammar Kadhafi. Ces changements dans le programme des travaux ont un lien avec les incertitudes des responsables de la chancellerie sur la présence du président de la République aux assises. Initialement, Abdelaziz Bouteflika devait prononcer un discours d'ouverture hier matin. Or, le séjour prolongé du chef de l'Etat libyen dans notre pays l'a contraint à son tour à modifier son emploi du temps (lire également notre encadré en page 2). Reprogrammé pour la fin de l'après-midi, le passage du premier magistrat du pays devant ses pairs a été reporté à ce matin. Cet ajournement a été annoncé par le secrétaire général du ministère de la Justice à la reprise de la plénière aux environs de 15 heures. Au même moment, les techniciens de l'Entv commençaient à ranger leur matériel. Le garde des Sceaux, quant à lui, s'est éclipsé aussitôt après l'entame des travaux de la conférence plus tôt dans la journée. Préférant reporter l'exposé du bilan des réformes à l'arrivée aujourd'hui du président de la République, Tayeb Bélaïz, s'est contenté d'une allocution très succincte. Durant toute la première journée, la parole était surtout donnée aux invités étrangers, le secrétaire d'Etat à la Justice d'Espagne, les présidents des cours de cassation française et belge ainsi que le directeur de l'Ecole supérieure de la magistrature de Bordeaux. Datant la création de cet établissement à 1958, le premier dans toute l'histoire de France, son responsable a fait un large plaidoyer en faveur de la spécialisation des magistrats. Chez nous, l'absence de spécification dans les missions des juges est l'une des tares du système judiciaire. La présidente du Conseil d'Etat, également présente à la conférence, a reconnu sans peine le manque flagrant de juges compétents dans le règlement des contentieux administratifs. Cependant, si la spécialisation est nécessaire, elle n'est pas suffisante. Dans son propos, le directeur de l'Ecole de la magistrature de Bordeaux a insisté sur l'inculcation des règles d'éthique et de déontologie aux futurs juges et à ceux déjà en exercice. Le sens moral, la vertu, l'intégrité sont autant de valeurs que les experts européens ont martelées. Du côté algérien, les intervenants se sont attardés surtout sur la modernisation du fonctionnement de l'appareil judiciaire. Les ateliers mis en place et devant se pencher sur la prochaine étape de la réforme ont tenu compte de l'informatisation des moyens, du renforcement de la législation et de l'humanisation des conditions de détention dans les prisons, mais ils n'ont guère abordé les fameuses règles de déontologie auxquelles les magistrats doivent s'astreindre. Ce ne sont certainement pas les représentants de la police, de la gendarmerie, des huissiers de justice ou des notaires, des techniciens du droit en somme, qui en parleront au cours de leurs interventions aujourd'hui. Les avocats absents au débat Sur une vingtaine d'interventions au programme de la plénière, aucune n'émane d'un représentant du bâtonnat. Magistrats, notaires, huissiers, responsables de la gendarmerie et de la police ont tous voix au chapitre, mais nul trace d'avocat. Cette omission, s'il s'agit bien d'une omission, baisse considérablement le débat sur la réforme de la justice tant le rôle fondamental de la défense est négligé. Certes, Me Sellini, bâtonnier, ainsi que des membres du barreau, dont d'anciens participants à la Commission nationale sur la réforme de la justice (CNRJ) sont présents au Palais des nations, mais ils sont cantonnés au statut de figurant. Le président de la défunte CNRJ, Me Mohand Issaâd, a exprimé ses regrets à ce propos. Interpellé en marge de la conférence, il a déploré la fadeur des débats. Selon lui, la réforme n'a aucunement besoin “d'une halte”. Elle doit trouver une application sur le terrain. Or, la déconsidération des droits des justiciables est, selon lui, aux antipodes de la refonte telle qu'il l'a conçue avec les autres membres de la commission. “La facilité avec laquelle on envoie les gens en prison est une perversion”, s'est indigné le professeur. Ses collègues n'en pensent certainement pas moins. Il aura sans doute fallu qu'ils le dénoncent haut et fort. À la chancellerie, personne apparemment n'était disposé à faire écouter leur voix au Palais des nations devant un parterre d'un millier de magistrats. S. L.