Les deux documents émis par le ministre de la Communication, Hamid Grine, censés régir une couverture médiatique "éthique et équitable" de la campagne des élections législatives du 4 mai prochain n'ont pas laissé indifférente l'organisation non gouvernementale internationale (ONG) Reporters sans frontières (RSF) qui dénonce dans un communiqué diffusé, lundi, "une nouvelle dérive autoritaire du gouvernement algérien envers la presse". RSF trouve ces documents "pour le moins choquants". "Publier une charte restrictive pour la liberté de la presse, sans avoir consulté ni les médias ni la société civile, est aberrant et démontre clairement que le gouvernement algérien, au nom d'une soi-disant éthique, cherche en fait à bâillonner les journalistes à la veille des prochaines élections", a estimé Virginie Dangles, rédactrice en chef de RSF. Si la charte interdit, en effet, à tous les médias de "donner la parole" aux partis politiques ou à toute personne appelant au boycott, la circulaire diffusée à l'attention des responsables des médias audiovisuels, qualifiée d'"inique" par l'organisme international de défense de la liberté de la presse, "interdit de faire des télé-trottoirs durant la campagne électorale ou encore de diffuser des débats et déclarations politiques susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique et à l'Etat et/ou pouvant donner lieu à des dérapages contraires à l'éthique journalistique et politique". Cela dit, l'ONG considère que "la disposition la plus grave" réside dans le fait que les responsables des services de communication audiovisuelle doivent veiller dans la diffusion des programmes "à proscrire toute offense, toute parole outrageante, injurieuse ou diffamatoire à l'encontre de la personne du président de la République et/ou de l'institution représentée par le président de la République". RSF n'a pas manqué de relever à cet égard le "ton paternaliste et inapproprié" utilisé dans ces documents à l'adresse des journalistes. "Nous exhortons le gouvernement algérien à ne pas entraver le travail de la presse et appelons les autorités à respecter leurs propres engagements, pris au niveau national et international." À ce sujet, RSF rappelle non seulement que la nouvelle Constitution, adoptée en février 2016, garantit la liberté de la presse et la liberté de l'information mais aussi que l'Algérie a ratifié également depuis 1989 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) qui protège dans son article 19 la liberté d'expression. RSF, qui publie chaque année un rapport sur l'état de la liberté de la presse dans le monde, rappelle que l'Algérie caracole à la 129e place sur une liste de 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse en 2016. À signaler qu'en Algérie même, ces circulaires ont suscité une levée de boucliers de la part des journalistes, des internautes, des partis politiques et même de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) dont le président, Zouaoui Benhamadi, a révélé que son instance, légalement constituée, n'avait pas été sollicitée pour donner son avis sur le contenu de ces circulaires controversées appelant, par ailleurs, chaque partie à prendre ses responsabilités. Mohamed-Chérif Lachichi