Le Premier ministre israélien donne d'une main Gaza et continue de prendre de l'autre une partie de la Cisjordanie. Sharon lâche Gaza, même au prix d'un bras de force avec le lobby des colons qui lui promettent le sort d'Itzhak Rabin, assassiné en 1995 pour avoir serré la main à feu Arafat. Le retrait de quelque 7 500 colons de Gaza, qui seront très bien indemnisés, jusqu'à 400 000 dollars par famille, n'est qu'un leurre. Car, de l'autre côté, Sharon, que des médias internationaux auréolent aujourd'hui du titre de “faiseur de paix”, est déterminé à ne rien changer en Cisjordanie, où il maintient les blocs de colonies juives. Ce qui, aux yeux du Premier ministre palestinien Qoreï, empêchera la création d'un Etat palestinien viable. En réponse et, comme pour ne plus se bercer d'illusions, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleeza Rice, a réaffirmé la position américaine, qui consiste à appuyer le maintien des blocs de colonies en Cisjordanie où, par ailleurs, d'autres constructions juives voient le jour, notamment à Ariel dans le nord de la Cisjordanie et à l'est et dans le sud d'El-Qods. Ariel est construite à 22 km en profondeur, en territoire palestinien, et sur la principale nappe aquifère de Cisjordanie. Cela souligne l'ampleur du manque à gagner pour le futur Etat palestinien. En outre, le transfert de contrôle sécuritaire aux Palestiniens dans des villes de Cisjordanie n'est que de “la poudre aux yeux”, de l'aveu même de Qoreï. Israël a transféré aux Palestiniens des responsabilités sécuritaires dans la région de Tulkarem, le 21 mars, et Jéricho le 16 mars, mais retarde celui de la ville de Kalkiliya. En réalité, Sharon n'a rien renié de son passé : sommé par la communauté internationale, il sait qu'il ne peux pas, non plus, effacer le rêve national des Palestiniens, alors il poursuit ses colonisations en Cisjordanie pour la diviser en trois cantons dans lesquels les Palestiniens seraient appelés à vivre sous haute surveillance. En clair, des bantoustans que l'Afrique du Sud raciale avait expérimentés avant que ne tombe l'Apartheid. Passer d'un lieu à un autre relève de travaux d'Hercule : les check-points israéliens sont partout, le long du mur qui encercle les Palestiniens. Le retrait de Gaza, selon l'ancien président du Congrès juif américain, Siegman, est le prix que doit payer Israël pour achever le morcellement de la Cisjordanie. D'ailleurs, Sharon, anticipant les problèmes qui vont surgir à Gaza où 37% des Palestiniens vivent dans ce mouchoir qui ne représente que 1,25% de la Palestine, s'adjuge, d'ores et déjà, le droit d'intervenir si le chaos s'y installe dans cette vaste prison coupée de la Cisjordanie et même de ses voisins égyptiens et jordaniens. Le calcul est machiavélique, mais Sharon est maître dans ce domaine. N'est-ce pas lui qui a fait capoter les négociations palestino-israéliennes en 2000, lorsque, chef de l'opposition à l'époque, il devait se rendre sur l'esplanade des mosquées à El-Qods. On sait ce qu'il est advenu : il a pris le pouvoir pour détruire systématiquement tout ce que l'Autorité palestinienne avait construit, aussi bien les structures étatiques que les infrastructures, donnant toutes les justifications à l'extrémisme de Hamas. Les Palestiniens, qui n'ont rien à attendre d'un monde arabe, qui ne s'est pas mis à l'heure des changements dans le monde mondialisé, et victimes d'un contexte international où les Etats-Unis ont la part la plus importante, ont pourtant fait toutes les concessions imaginables. Mahmoud Abbas, conscient de cette équation inégale, doit rencontrer le mois prochain Bush, le parrain de Sharon. D. B.