"Cette attitude de l'armée fait partie des processus politiques, pour le moment séparés, mais qui, à un moment donné, feront jonction avec les luttes sociales", estime Mme Hanoune. La secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, a salué, hier, à Alger, l'attitude des militaires dont de nombreux éléments ont voté "blanc", comme pour exprimer leur neutralité, eux qui, jusque-là, ont été accusés, à tort ou à raison, de voter, sur injonction, en faveur des candidats du pouvoir. Cette attitude est, à ses yeux, un indicateur de l'"ouverture d'une nouvelle situation". "Le vote blanc massif des militaires est un tournant qualitatif. Il traduit qu'ils refusent l'opération, mais obligés de participer ; il traduit qu'ils refusent ce régime et qu'il se poursuive et à ce que l'armée soit instrumentalisée (...) Une nouvelle situation s'ouvre. Cette attitude de l'armée fait partie des processus politiques, pour le moment séparés, mais qui, à un moment donné (ces processus politiques), feront jonction avec les luttes sociales", estime Mme Hanoune dans son rapport d'ouverture à la réunion du bureau politique de son parti. Selon elle, le scrutin du 4 mai, dont le taux de participation ne dépasse pas les 20%, au regard des PV, est "l'expression la plus violente de la crise qui secoue le système et qui annonce l'accélération des processus politiques et l'exacerbation des contradictions au sommet de l'Etat". Signe de la guerre au sommet : le "schisme" apparu au sein de l'administration, mais aussi au sein de l'appareil judiciaire, selon elle. "Le danger qu'on a noté est le schisme apparu au sein de l'administration et de l'appareil judiciaire (...)." Autre indice : "Les partis du pouvoir ont introduit des recours les uns contre les autres." Mme Hanoune, dont le parti a introduit 25 recours "basés sur des données scientifiques confirmées", est longuement revenue sur la fraude dont elle relève, qu'hormis les partis "nébuleux dont les résultats ont été gonflés pour rejoindre le gouvernement", les autres formations politiques sont d'accord sur le fait que cette Assemblée est "illégitime" et qu'il "n'y a jamais eu de fraude d'une telle ampleur". "Il y a 5 585 498 votants, soit une différence de 882 682 comparé à ce qui a été fourni au Conseil constitutionnel ; il a été induit en erreur. On a découvert des énormités dans les PV. Plusieurs dizaines de milliers de bulletins ‘nuls' appartiennent au PT ; ils ont été déchirés par des encadreurs ; c'est une opération commanditée. Elle a été discutée dans un parti. 15 200 bulletins déchirés à Skikda. À Oran, les 125 000 voix attribuées au FLN, sur 13 APC seulement, ne se trouvent pas dans les PV. Même chose à Annaba, à Blida (...)", soutient Louisa Hanoune pour qui le FLN est "en chute constante". Dans ce contexte, elle annonce que son parti remettra bientôt un rapport détaillé au ministre de l'Intérieur contenant toutes les "dérives" et parmi lesquelles les pressions subies par des fonctionnaires sommés de ne pas évoquer la fraude. "Des militants, des têtes de liste, des cadres, fonctionnaires dans certaines daïras et wilayas, sont menacés de licenciement si jamais ils dénonçaient la fraude", a-t-elle dit. Mais elle semble sceptique quant aux résultats attendus du Conseil constitutionnel. "Le bourrage s'est fait au niveau national. Que peut faire le Conseil constitutionnel devant les dérives relevées ? Il y a de rares cas où il peut intervenir. Le Conseil constitutionnel est face à une situation sans précédent, similaire à celle 1991." Considérant que la future Assemblée, eu égard au "coup de force du 4 mai et à sa composante" de "porteuse de dangers pour l'Algérie", l'ex-candidate à l'élection présidentielle appelle le gouvernement à ne pas "ignorer la défiance et le rejet exprimé par la population" et "la sonnette d'alarme qu'il a tirée". Elle réitère sa revendication de l'élection d'une assemblée constituante car le "pays a besoin de solutions réelles, pas de replâtrage". Elle pense que la solution pourrait venir de la mobilisation des syndicats et de la société civile. "Les luttes des syndicats pourraient ouvrir des perspectives", croit-elle. Par ailleurs, appuyant les propos de Tayeb Louh sur "l'immunité", la SG du PT a mis en avant l'impératif de "mettre en place un organe chargé de contrôler les biens des députés parmi les hommes d'affaires" suggérant "l'annulation des sièges de ces députés en cas de fausses déclarations concernant leurs biens", ainsi que "la modification du code électoral pour interdire la candidature des hommes d'affaires à ces échéances". L'Assemblée compte 79 députés... hommes d'affaires. Karim Kebir