À moins de deux mois du référendum que compte organiser la France, tout indique que le projet de Constitution de l'Union européenne a beaucoup plus de chance d'atterrir au fond d'un tiroir. En effet, même si par miracle les estimations des sondages de l'Hexagone étaient démenties par les électeurs, le texte a peu de chance de survivre au référendum britannique. Pour information, un neuvième sondage consécutif confirme l'intention de 53% des Français de voter “non”. Du côté de Londres, le “non” est beaucoup plus tranchant, bien que le rendez-vous électoral ne soit programmé que pour l'année 2006. Toutefois, il ne sera plus utile de consulter les Britanniques, si jamais les Français confirment leur rejet de la constitution européenne, le 29 mai prochain, parce qu'il suffit du refus d'un seul pays pour que le texte soit mis au placard. Ce qu'il y a de surprenant dans les positions des uns et des autres est cette appréciation contradictoire du contenu de la constitution. Ainsi, contrairement au Français qui jugent ce texte trop libéral, les Britanniques le trouvent plein de contraintes, notamment sur le plan social. Il est sidérant de voir comment deux pays voisins fassent des lectures aux antipodes l'une de l'autre de cette constitution. Alors qu'à Londres, on pense que la Grande-Bretagne sera à la merci de Bruxelles dans le cas où le projet est adopté, quant à Paris le débat est tout autre. Un des opposants au “oui”, Jean-Pierre Chevènement, n'y va pas par quatre chemins pour remettre en cause la base du Traité constitutionnel européen, rédigé par son compatriote Valéry Giscard d'Estaing. Selon lui, l'ancien chef de l'Etat français et ex-président de la Convention européenne, “s'est trompé de sujet” et “a oublié l'essentiel : la réforme de la zone Euro et la création d'un gouvernement économique”. Cette vision est loin d'être partagée par le chef de la diplomatie française, Michel Barnier, qui estime qu'un “non” au référendum du 29 mai sur le Traité constitutionnel européen mettrait l'Europe “en panne”. Catégorique, il ajoutera que “si un pays de l'Union, quel qu'il soit, refuse la Constitution, il n'y aura plus de Constitution. Donc, on en reste aux traités actuels qui sont insuffisants. Donc on stagne, ça sera une sorte de panne”. Pour parer au plus pressé, le gouvernement Raffarin a lancé une immense campagne de sensibilisation et d'information afin de diffuser à grande échelle le texte du traité constitutionnel, dans l'espoir de contrecarrer cette déferlante du “non”. Les cinq derniers sondages publiés donnent les anti-européens vainqueurs. Sur le bord de la Tamise, l'hostilité à la constitution européenne augmente de jour en jour et même les hommes d'affaires sont de plus en plus sceptiques. Ceci dit, cela fera l'affaire de Tony Blair qui pourrait alors arguer qu'il avait prévu d'organiser un référendum, mais que les électeurs français ont déjà répondu à la question. Enfin, il semblerait que Français et Britanniques pensent qu'ils pourront renégocier la Constitution à leur profit après l'avoir rejetée. K. A.