Le secrétaire général du RND a lâché "une véritable bombe" qui ne manquera pas de faire jaser. Il plaide ni plus ni moins pour la privatisation des entreprises publiques. On en sait désormais un peu plus sur les raisons qui ont motivé le limogeage spectaculaire du ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Messaoud Benagoun. Mais sans pour autant que le mystère soit entièrement levé. Interrogé hier, lors de la conférence de presse qu'il a animée au siège du parti à Alger, au lendemain de la clôture du conseil national de son parti, Ahmed Ouyahia a admis qu'"il y a eu faille de confiance". Qui vise-t-il ? Le MPA, les services de sécurité ou l'administration ? En tous cas, l'erreur n'incombe pas au président de la République, a-t-il dit. "Le président Bouteflika gère le pays, je vous rassure", comme pour soutenir qu'il est en bonne santé. "Pensez-vous que l'étude d'habilitation ou un dossier d'un candidat au poste de ministre lui incombent-il ? C'est lui qui tranche en dernier ressort, mais le Président est chef d'Etat, il y a des structures de l'Etat qui sont habilitées et en devoir de faire une série de procédures. Il n'y a pas eu d'habilitation. Il y a eu une faille de confiance", a-t-il reconnu. Cependant, il estime que "ce n'est pas la fin du monde". "On pouvait laisser trois mois, mais si cela avait été su après, on aurait crié au scandale. Maintenant que l'Etat a fait son travail en 48 heures, cela devient un scandale. Excusez-moi, avec certains, c'est toujours scandaleux !", soutient-il. Dans le même ordre d'idées, il ne trouve pas anormal que le poste ne soit pas encore occupé. "Combien de postes sont vacants ? Peut-être y aura-t-il une nomination dans les prochains jours ou un ministre intérimaire, surtout qu'on est à la veille des vacances", suggère-t-il. Des projections aussi valables pour le poste d'ambassadeur en France, rappelant que le mouvement des ambassadeurs s'opère durant la période estivale. Le RND est-il déçu de n'avoir pas hérité de suffisamment de ministères eu égard au score réalisé par le parti ? "Le RND soutient le Président dans le cadre d'un soutien politique, il ne négocie pas la part de gâteau. Que nous ayons 4 ou 8 ministres, ce n'est pas dans la culture du RND. Ce qui ont, d'ailleurs, cité des noms ont tout faux", a-t-il dit confirmant avoir rencontré, dans le cadre des consultations, Abdelmalek Sellal, à sa demande, au niveau de la présidence de la République. "Sellal est un ami depuis 1972. C'est lui qui m'a demandé de le voir à la Présidence", affirme Ouyahia, précisant, à propos de Bouchouareb, qu'il appartient exclusivement au président de la République de désigner, de maintenir ou d'écarter un ministre. Aussi, soutient-il que la proposition ne lui pas été faite de diriger l'Exécutif. "Cela ne me dérange pas. Je suis heureux et honoré de servir le président de la République." À la question de savoir si le remaniement a été dicté par le souci de faire un toilettage en raison des affaires de corruption dans lesquelles seraient trempés certains ministres, Ahmed Ouyahia a suggéré que les autorités ont consenti plutôt à une règle non écrite qui veut que l'Exécutif démissionne au lendemain des législatives. "C'est une analyse. Mais s'il y avait volonté ou intention d'écarter des ministres, cela aurait pu intervenir au cours de l'année. Le remaniement est venu sur la base de dispositions constitutionnelles. C'est un large remaniement. Mais chacun est libre des ses interprétations." Dans le même contexte, il a dissimulé quelque agacement par rapport aux "rumeurs" sur les biens de sa famille. "L'on a écrit que mes fils possèdent des sociétés. Idem pour ma femme. Que je possède moi-même des bus, des minoteries, des villas, une compagnie à l'étranger. Je dis : ‘Heureusement qu'on n'a pas cité mes enfants dans des affaires de drogue.' Concernant ma femme, celui qui trouve une trace de cette société, je la lui céderai", dit-il. "Ces paroles ne me perturbent pas. Je suis un homme public depuis 20 ans. L'essentiel pour un homme, c'est de pouvoir se regarder dans le miroir le matin", ajoute-t-il. En réponse à une question sur le sit-in organisé le 3 juin en cours par des intellectuels devant le siège de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav), en protestation contre les dérives de la télévision privée "Ennahar", Ahmed Ouyahia a précisé que c'était "un sit-in et non pas une marche nécessitant une autorisation", rappelant, au passage, que l'interdiction des manifestations à Alger est une "exception", réitérant qu'"il n'y pas d'état d'urgence non déclaré en Algérie". Quant à l'affaire du P-DG de Naftal, il s'est contenté d'interpeller les consciences : "Il y a un code moral qui interpelle tout le monde." Pour la privatisation des entreprises publiques Au chapitre économique, Ahmed Ouyahia a lâché "une véritable bombe" qui ne manquera pas de faire jaser. Il plaide ni plus ni moins pour la privatisation des entreprises publiques. "Ce n'est pas par amour, mais parce qu'elles se détériorent de plus en plus en raison des problèmes liés au plan de charge et à la gestion", a-t-il justifié. Au regard de ce plaidoyer, on peut considérer que Bouchouareb n'aura pas réussi son pari de redresser certains mastodontes dans lesquelles l'Etat a engagé beaucoup d'argent. Autres suggestions du SG du RND qui a appelle à l'accélération des réformes : la réforme du système fiscal et la décentralisation de la prise de décision dans le domaine de l'investissement, ainsi que la révision du système des subventions. Face à la crise financière actuelle, Ouyahia soutient qu'il y a un "risque" pour l'Algérie de connaître des "années très compliquées", observant que "le pays tient encore l'équilibre grâce aux réserves de change qui vont en s'amenuisant du fait de la chute des prix du pétrole". "L'Algérie est confrontée à des défis, et si on ne se remet pas debout sur le plan économique, on risque de se retrouver en 2024-2025 chez le FMI, et ce sera la tronçonneuse", met-il en garde. Mais pour Ouyahia, le gouvernement ne "fait pas dans la démagogie", mais plutôt ceux qui contestaient lors de la loi de finances 2015, allusion sans doute à Louisa Hanoune. "La démagogie et le populisme sont un frein pour le bateau Algérie", décrète-t-il. "Le gouvernement ne fait pas dans le populisme. Il peut ne pas être courageux ou bloqué par des situations de crainte et de dérapage nourries par les partis", a-t-il conclu. Karim Kebir