Les chefs de l'Etat syrien et iranien ont, pour la première fois, eu des contacts directs avec un officiel israélien. S'agit-il d'un fait anodin ou annonce-t-il des développements à l'avenir ? Les funérailles du pape Jean-Paul II, véritable homme de paix, ont-elles constitué un point de départ à de nouvelles relations entre Israël et le monde arabo-musulman ? Les contacts directs qu'a eus le président israélien, Moshé Katzav, avec Bachar Al- Assad et Mohamed Khatami, dirigeants de deux pays n'ayant jusque-là aucune relation avec l'Etat hébreu, constituent une première sans précédent. Si la Syrie est en état de belligérance avec Israël, dont il n'a jamais reconnu l'existence depuis la naissance du conflit israélo-arabe en 1948, l'Iran prône tout simplement la destruction de ce pays, depuis l'avènement du régime islamiste de Khomeïny en 1979. C'est dire la nature des rapports existant entre ces Etats, voire leur inexistence. À Rome, des prises de contacts ont eu lieu. Elles sont considérées comme des “gestes humains et importants”, qui pourraient avoir des “suites concrètes”, selon Avi Pazner, le porte-parole du gouvernement israélien. “C'est une première !”, s'est exclamé Pazner au sujet du contact entre Katzav et Al-Assad. Ces deux rencontres ont surpris plus d'un en raison de la situation tendue au Proche-Orient, d'autant plus qu'il a été impossible jusqu'à maintenant d'établir des relations entre Israël, l'Iran et la Syrie. Entre Téhéran et Tel-Aviv, les relations sont catastrophiques, comme le montre la réaction israélienne dans l'affaire du nucléaire iranien. En effet, alors que la communauté internationale cherche à empêcher Téhéran de se doter de l'arme nucléaire, Israël est le pays qui se sent le plus menacé par une éventuelle bombe atomique iranienne. Quant à la Syrie, l'Etat hébreu a refusé récemment l'ouverture de dialogue avec ce pays, exigeant avant tout qu'il cesse de soutenir des organisations radicales palestiniennes, ainsi que la milice chiite libanaise pro-iranienne du Hezbollah, déployée le long de sa frontière nord. Pourtant, en novembre dernier, le président Katzav, dont les pouvoirs sont surtout protocolaires, s'était dit favorable à l'ouverture de négociations de paix avec Damas. Il avait également invité le président syrien à venir à Jérusalem et proposé des négociations de paix "secrètes ou publiques”, n'importe où et sans conditions préalables. “Le simple fait d'avoir des contacts, même s'ils ne débouchent pas sur des résultats positifs, aurait une grande importance”, avait alors affirmé le chef de l'Etat israélien. Même si pour Damas, “cette poignée de mains de circonstance n'a aucune signification politique et ne modifie pas la position connue de la Syrie”, il n'en demeure pas moins qu'elle constitue un précédent important. Dans ce même ordre d'idées, le président iranien Mohammad Khatami a “vivement démenti” les informations des médias israéliens, selon lesquelles il avait serré la main et parlé brièvement au président israélien Moshé Katzav au Vatican, lors des obsèques de Jean-Paul II, a rapporté hier l'agence officielle Irna. Ceci dit, les gestes de Katzav entrent probablement dans le cadre d'une stratégie de rapprochement à petits pas avec le monde arabo-musulman, dans le but d'aboutir à une normalisation. Reste à savoir, cependant, si le gouvernement d'Ariel Sharon est disposé à jouer le jeu à fond. En contrepartie de cette normalisation, Israël devra inévitablement faire des concessions. L'offre du Sommet de la Ligue arabe d'Alger, “la terre contre la paix”, constitue une occasion opportune si Israël veut réellement la paix. K. A.