Si le premier responsable du département de l'Habitat soutient mordicus que le pari consistant à réaliser 1 million de logements est jouable, les spécialistes affichent leur scepticisme. Le Collège national des experts architectes (CNEA) a élaboré une analyse sur cette question de construire en cinq ans un parc équivalent à celui réalisé en l'espace de 40 ans, soit 3 850 000 logements. “Le constat est clair : le défi est gigantesque, voire effrayant. Surtout si l'on tient compte des attentes et des pressions de la population”, relèvera le président du CNEA, le docteur-architecte Abdelhamid Boudaoud. Il évoque l'un des problèmes les plus épineux qui freinent la concrétisation globale de ce projet. Ces contraintes ont d'abord trait aux instruments d'urbanisme approuvés, à savoir le Plan directeur de l'aménagement de l'urbanisme (PDAU) et le Plan d'occupation du sol (POS). Il y a plus de 15 ans que ces outils ont été mis en place. Les conditions d'exécution de ces instruments sur le terrain, constate M. Boudaoud, ont révélé l'énorme décalage entre le discours théorique et la réalité pratique. Ces instruments ont montré non seulement leurs limites, mais aussi celles d'une administration non préparée et d'une société civile exigeante en matière de cadre de vie et de cadre participatif comme en témoigne la situation des lotissements qui naissent dans les principales villes du pays. Le PDAU et le POS n'ont pas apporté les solutions aux problèmes posés au sein des communes. “Ces instruments devraient être la base de travail pour l'implantation des cités. Or, ils sont malheureusement arrivés à une désuétude. Il y a des pays qui ont compris que le POS est dépassé. C'est ainsi qu'ils ont opté pour le PLU (Plan local de l'urbanisme). À ces contraintes technico-administratives s'ajoutent les aspects socioculturels d'une partie de la population qui n'est pas préparée aux règles d'urbanisme”, soulignera le président du CNEA. Cette organisation a cité quelques exemples sur les performances de certains pays qui ont construit des programmes de logements. Ainsi, la France a réalisé 1 976 000 logements pendant 25 ans. Elle est placée en tête des pays d'Europe pour le nombre de logements édifiés. En 23 ans (de 1987 à 2000), la Tunisie a réalisé 490 516 logements. L'Italie, après la Seconde Guerre mondiale (1948), dans le cadre du plan Marshall, a construit 1 000 000 de logements en 15 ans avec des moyens beaucoup plus supérieurs que ceux de l'Algérie d'aujourd'hui. Devant une telle situation, que doivent faire les pouvoirs publics ? Alors que faire ? Il faut d'ores et déjà tenir impérativement compte des expériences passées pour éviter les erreurs commises dans le passé. Parmi ces erreurs, il est cité la faiblesse des ressources, le problème des réserves foncières, l'acquisition des terrains étant très aléatoire. À cela, il faut ajouter l'insuffisance des moyens de réalisation, la très faible capacité du maître d'ouvrage (délais sans fin, etc.), le déficit d'approvisionnement et l'absence de matériaux de construction. Les lourdeurs administratives et celles des structures qui ralentissent le projet par manque de préparation et de prévision sont les autres insuffisances constatées. Un autre problème et non des moindres : le manque flagrant de coordination entre les différents acteurs à tous les niveaux et la faiblesse de qualification de la main-d'œuvre. Outre le manque de qualification des entreprises réalisatrices, celles-ci sont confrontées à une autre contrainte liée aux retards importants accusés par les maîtres d'ouvrage pour effectuer les paiements des travaux réellement effectués. À ce propos, compte tenu de l'expérience vécue, de nombreuses entreprises baissent le rythme des travaux ou arrêtent carrément leurs chantiers conséquemment à ces blocages financiers. Les besoins ciblés - Un million de logements peut créer près de 2 500 000 d'emplois et abriter 5 millions d'habitants. - 1 500 milliards de dinars pour la construction desdits logements - 4 500 000 000 DA pour les études - 60 milliards de dinars pour le réseau AEP - 30 milliards de dinars pour le réseau assainissement - 38 milliards de dinars pour le réseau d'électricité - 27 milliards de dinars pour le réseau de gaz - 40 milliards de dinars pour le réseau routier - 1 000 000 logts/5 ans, c'est l'équivalent de 200 000 logements/an, soit 16 667 logements /mois, 556 logements/jour x 1 500 000 DA = 83 400 000,00 DA/jour - 48 tonnes/logt et 8 t acier/logt, soit 25 000 000 t de ciment, 500 000 t d'acier/ 1 000 000 logements. - Deux catégories d'entreprises 22 658 entreprises (wilayas avec 461 030 salariés) 250 entreprises (ministère avec 86 000 salariés) - 6 000 architectes et 600 ingénieurs. Chacun des 6 000 architectes aura 166 logements pour étude d'architecture et 1 666 logements à calculer pour chaque ingénieur. Cela veut dire que les études peuvent être réalisées dans des délais record. B. K.