Ils dénoncent l'anarchie dans cette filière, le non-respect des normes et la multiplication des erreurs grossières qui ont parfois coûté des milliards. Les experts recommandent une politique qui allierait les besoins urgents du pays et la conformité aux règles esthétiques et urbanistiques. Noir est le tableau dressé par le Collège national des experts architectes (CNEA) sur le secteur de l'habitat depuis quelques années. Amer est le constat qu'il a établi sur la stratégie adoptée jusque-là par les responsables concernés. Quant à l'urbanisme, déplore le CNEA, il est toujours placé sous le signe de l'urgence. Le collège fait en réalité, le bilan du premier mandat du président de la République concernant le logement. Le premier magistrat du pays plaidait à l'époque pour une politique d'action contre la dégradation de nos sites urbains et donnait le signal d'une nouvelle politique basée sur le diagnostic des erreurs du passé et une concertation à même de créer une dynamique à la mesure des ambitions algériennes en matière de développement et d'harmonisation de nos villes et campagnes. L'analyse effectuée par le CNEA, cinq ans après sur l'évolution des villes algériennes de petite et moyenne taille, révèle une extension, certes, très rapide, mais anarchique. Le phénomène est tel qu'on assiste à l'émergence d'espaces “gris” dont la croissance indique une absence totale des normes en matière d'urbanisme. Conséquences : prolifération d'espaces pseudo urbains, révélant des carences de conception et de gestion de l'espace urbanisable. Ces espaces ont coûté des milliards de dinars à la collectivité nationale, mais ils représentent tous les exemples à éviter en matière d'aménagement urbain : zones de malvie, d'exclusion et de dilapidation d'une ressource foncière de plus en plus rare dans la partie nord du pays. “Le lancement du programme de 1 million de logements a suscité beaucoup d'espoir quant à l'avènement d'une rupture par rapport aux gestions qui avaient prévalu dans le passé et l'élaboration d'une vraie politique de l'urbanisme et partant de l'habitat”. Ce grand chantier a été perçu par les professionnels du bâtiment et des architectes comme un facteur qui devrait générer une nouvelle conception et qui déboucherait sur une nouvelle approche de la question de l'habitat en Algérie. En réalité, constate le CNEA, le miracle n'a, malheureusement, pas eu lieu. Les prévisions d'il y a quelques années sont chaque jour contredites concernant ce projet d'envergure. Ainsi, il est important de souligner que la conception architecturale de certains édifices publics doit impérativement obéir à des critères, à des règles et à des normes rigoureuses qui tiennent compte des caractéristiques sociologique, culturelle, économique et sociale telles qu'elles sont “ancrées réellement dans la société algérienne et ne peuvent en aucun cas être importées, copiées au traitées à la légère au gré de l'humeur de certains cadres administratifs locaux”. Il faut allier besoin urgent et esthétique Les cités d'habitation, soulignent encore les architectes, ne s'accompagnaient souvent pas des VRD et des infrastructures d'accompagnement telles que les routes, les écoles, les centres de santé, les mosquées, les marchés, les transports, les loisirs, les espaces verts… La législation algérienne en la matière indique par exemple que le CTC est agréé par le ministère de l'Habitat et suite à l'arrêté du 11 novembre 2002, le ministère de l'Habitat agrée des bureaux d'études d'ingénieurs. Pourquoi donc tous ces acteurs ne jouent pas leur rôle et n'interviennent pas pour éviter la multiplication des erreurs grossières et coûteuses ? “Comment la commission de jury, chargée d'approuver les études, fait-elle pour laisser passer des études qualifiées de médiocres ou de catastrophes”, s'interrogent les experts-architectes. La commission, pour rappel, est composée des membres de la Direction du logement et de l'équipement public (DLEP), de la Duch, l'APC, l'Ordre des architectes. Le cahier de charges, un document déterminant dans l'acte de bâtir, est cependant vide de substance. Pis, dans certains cas, il ne dépasse pas les deux pages ! Devant une telle situation, le Collège des architectes propose de confronter les logiques des uns et des autres parmi les professionnels et de tenter de les concilier. Ces professions, à commencer par la corporation des architectes, indique le CNEA, ne peuvent plus aujourd'hui se contenter d'établir des constats puis se taire jusqu'à ce qu'une catastrophe se produise à nouveau. Le CNEA plaide pour un dialogue entre les différents intervenants. Que ces derniers assument leurs responsabilités et admettent l'erreur le cas échéant. Il s'agit, dans cette optique, de relancer les tentatives d'aboutir à une charte qui soit conforme aux enjeux auxquels l'Algérie est confrontée. “Il faut opter pour une politique qui alliera les besoins urgents du pays et le respect et la promotion des normes esthétiques à même de préserver les ressources et des les optimiser”, suggère le CNEA. Au niveau de la profession, il s'agit de défendre la place qui sied à l'architecte. Il faut défendre l'élaboration d'un code de la construction par lequel l'acte de bâtir sera garanti par des matériaux agréés et reconnus pour leur efficacité. Il s'agit de contribuer au débat sur la formation aux métiers de la construction et de l'urbanisme. Badreddine K.