Une vidéo montrant le leader du mouvement de contestation rifain, Nasser Zefzafi, a provoqué une véritable onde de choc au Maroc. Publiée par le journal électronique "barlamane.com", connu pour être proche du Makhzen et du Palais, la vidéo où on voit le leader de la contestation dans le Rif montrer les diverses parties de son corps, dans le but de démentir l'existence de tout acte de torture, a mis dans l'embarras les autorités marocaines, accusées d'actes de torture contre les manifestants rifains. D'ailleurs, la justice marocaine s'est empressée d'ordonner une enquête pour déterminer les conditions dans lesquelles a été tournée cette vidéo, manifestement filmée en détention. "Immédiatement après avoir pris connaissance de cette vidéo", le procureur général du roi à Casablanca a "ordonné l'ouverture d'une enquête pour élucider les circonstances de son enregistrement et la finalité de sa publication", a indiqué un communiqué diffusé dans la soirée, dans une tentative de disculper Rabat des dépassements dont il s'est rendu coupable depuis le début de la répression contre les Rifains et leur mouvement Hirak. Dans des déclarations au "site info Maroc", l'avocate Naïma El-Guellaf, qui fait partie du comité de défense des détenus du Rif, a affirmé dans des déclarations rapportées par "Yabiladi" que "la vidéo est humiliante et porte atteinte à sa liberté et à son habilité à se défendre. Nous avons été surpris de la découvrir à notre sortie de l'audience. Nous ne ferons rien avant de pouvoir visiter Zefzafi". De son côté, l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) a immédiatement réagi sur twitter en écrivant sur son compte : "La publication d'une vidéo humiliante de Nasser Zefzafi est une atteinte à ses droits de prisonnier. Nous condamnons cet acte." Le président de l'ONG, Ahmed El-Hayej, a estimé dans une déclaration à "Yabiladi" que la vidéo est "scandaleuse" et qu'elle constitue "une atteinte à plusieurs droits comme celui à la vie privée et à la dignité". "Pour attester que le prisonnier n'a pas subi des actes de torture, il y a des procédures spéciales. Malheureusement, ce qui arrive aujourd'hui, c'est qu'on filme le détenu dans une situation humiliante et insultante, peut-être même sans prendre son avis préalable, et qu'on diffuse la vidéo au grand public. C'est un acte d'une absurdité ultime, un manque de respect et une atteinte à la dignité humaine", a-t-il souligné. Pour l'avocat Abdessamad Idrissi, qui a lui aussi dénoncé la vidéo, "l'atteinte à la vie privée et à la dignité de Zefzafi par cette vidéo nous rappelle la prison d'Abou Ghraib, dirigée par l'armée américaine en Irak en 2004", avant d'ajouter que "ce scandale sans précédent interpelle tout le monde, à commencer par le ministère de l'Intérieur, celui de la Justice et celui chargé des Droits de l'homme". Mise en cause directement, l'administration pénitentiaire a démenti que cette vidéo ait été enregistrée dans la prison de Casablanca, où Zefzafi est incarcéré depuis son arrestation fin mai. La direction générale des prisons marocaines a affirmé que "depuis sa mise en détention à la prison concernée, le prisonnier n'a jamais porté la tenue avec laquelle il apparaît dans la vidéo". Merzak Tigrine