"Rien ne pourra entamer la volonté du gouvernement qui restera attaché à exécuter avec force les objectifs tracés dans son plan d'action", a affirmé le Premier ministre. La guerre est désormais ouverte. Moins de vingt-quatre heures après la sortie conjointe du FCE, de l'UGTA et d'autres organisations syndicales, le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune assure dans un communiqué laconique, mais loin de souffrir de quelque équivoque, que "la consécration du principe de la séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir de l'argent figure dans le plan d'action du gouvernement qui a été recommandé par le président de la République lors du Conseil des ministres et validé par les deux chambres du Parlement". "À ce propos, rien ne pourra entamer la volonté du gouvernement qui restera attaché à exécuter avec force les objectifs tracés dans son plan d'action, en exécution du programme du président de la République, seule source de légitimité", dit-il, comme pour suggérer qu'il n'est pas près d'abdiquer et ce qu'il a eu l'aval du président de la République. La veille, le patron du FCE, Ali Haddad, appuyé par le syndicat-maison, l'UGTA, et d'autres organisations patronales, a sonné le tocsin contre Abdelmadjid Tebboune. Et visiblement ce n'était pas seulement pour laver l'affront que le Premier ministre lui a infligé, mais, au regard des termes du communiqué qui a sanctionné leur conclave, pour engager un bras de fer dont on ne peut, pour l'heure, prédire les contours de l'épilogue. Dans ce texte qui signe la révolte, les signataires n'ont pas manqué de brandir la menace dans des termes à peine voilés. "La sagesse et la sérénité nous commandent de ne pas y voir, pour l'instant, un coup de canif au consensus douloureusement construit et qui porte, par le geste du Premier ministre, indéniablement préjudice à l'esprit et à la lettre du pacte national économique et social de croissance, moment fondamental de la consécration de la culture du dialogue social entre le gouvernement et ses partenaires sociaux. Ce dialogue, fruit de la confiance entre tous les partenaires, initié et porté par le président de la République, vient d'être entaché par un acte difficilement admissible", écrivent-ils. Non seulement, ils suggèrent que la confiance est entamée entre le gouvernement et ces organisations, puisque l'affront porte "préjudice à la lettre et à l'esprit" du pacte, mais il touche aussi, par certains égards, le président de la République dans la mesure où c'est lui son initiateur et son porteur. Et même si, par coquetterie sémantique, ils réitèrent leur détermination à poursuivre le dialogue "dans un respect mutuel", il reste qu'ils dénient à Abdelmadjid Tebboune le pouvoir qu'il lui échoit, ne reconnaissant que celui du président Bouteflika. "Aussi, nous renouvelons notre engagement sans faille à agir pour traduire dans la réalité nos engagements contenus dans le pacte, et exprimons par là même notre attachement indéfectible et notre fidélité totale à la seule personne du président de la République, Abdelaziz Bouteflika". Cet "échange", par communiqués interposés, entre Tebboune et ces organisations vient d'étaler sur la place publique les graves divergences qui minent le sommet de l'Etat. Car il faut le dire, le froid entre Tebboune, le patronat et accessoirement avec l'organisation de Sidi-Saïd, devenu, aux yeux des décideurs, un simple "faire-valoir", a commencé dès le lendemain de son intronisation et la mise à l'écart de "leur ami Sellal" avec lequel a été signé le pacte économique et social. Un pacte ou "les parties prenantes se mobilisent pour instaurer un climat social serein et stable, établir un cadre consensuel basé sur des engagements mutuels et une démarche participative, élargie à toutes les parties pour impulser durablement la croissance". On se rappelle, le FCE, si prompt, jusqu'à il y a peu, à applaudir les décisions "venues d'en haut", n'a pas soufflé mot sur la nomination de Tebboune. Une "entorse" à une tradition qui annonçait la tempête à venir, puisque dès la présentation de son plan d'action, Tebboune affichait sa volonté de porter l'estocade à ceux "qui mélangent l'argent et la politique". Karim Kebir