Résumé : Dès son retour de voyage, Yamina voulait revoir ses parents. Elle était triste pour eux, car depuis son mariage ils étaient à la merci de ses frères et de ses deux belles-sœurs, qui se désintéressaient d'eux. Sa mère, fatiguée par l'âge et par ses grossesses, ne cessait de se plaindre de son état de santé et de ses nombreux maux quotidiens. Elle avait des trous de mémoire et oubliait souvent sa cafetière sur le feu, ou son fer à repasser, qu'elle branchait sans raison, égarait ses lunettes à tout bout de champ. Yamina lui avait à maintes reprises recommandé de se reposer, et de la laisser s'occuper des travaux ménagers à son retour de travail, mais la vieille femme avait souvent des comportements agressifs dès qu'on tentait de l'empêcher de faire quelque chose. Si bien que ses belles-filles finirent par se désintéresser complètement d'elle et la laissèrent livrée à son sort, avec tout ce que cela pouvait supposer comme conséquences. Cependant, après sa visite à ses parents, Yamina était un peu plus rassurée. Slimane lui avait même suggéré de leur rendre visite plus souvent et de s'occuper de leur confort. Une fois sur le chemin du retour, la jeune femme aspire une bonne goulée d'air, avant de demander à son mari : -Comment vivaient tes parents ? -Mes parents ? -Oui. Tu m'avais dit qu'ils avaient quitté ce monde alors que tu étais encore jeune. Qui s'était donc occupé d'eux ? -Oh ! Nous vivions tous ensemble dans la maison de mon grand-père. À cette époque, ma jeune tante, qui était veuve, était revenue habiter avec nous. C'était elle qui avait pris en charge tout le monde. -Tout le monde ? -Oui. D'abord mes grands-parents, puis mes parents. -Elle n'avait pas d'enfants ? -Non. Elle s'était mariée très jeune, et son mari, une fois le mariage célébré, était reparti en France où il travaillait, en lui promettant de revenir la chercher. Mais il n'était jamais revenu. Cinq années plus tard, il trouvera la mort dans un incendie qui avait ravagé toute l'usine de caoutchouc où il bossait. On n'avait même pas pu rapatrier son corps, tant les cadavres qu'on avait retirés sous les décombres étaient méconnaissables. -Oh ! Quelle tragédie ! Ta pauvre tante avait dû en souffrir. Il hausse les épaules. -Je n'en sais trop. Après ce drame, mon grand-père lui avait suggéré de réintégrer la maison, car il ne voulait pas que sa fille passe sa vie à trimer dans une famille qui n'était plus la sienne. Yamina ébauche un sourire. -Tu te rappelles tous les détails de cette histoire en somme. -C'est certain. J'étais presque un adolescent lorsqu'elle était revenue vivre parmi nous. J'étais l'unique garçon de mes parents, et bien gâté par toute la famille. Comme mon grand- père n'avait eu qu'une seule fille, nous nous retrouvions donc sur le même piédestal de considération (il fait un clin d'œil), quoique j'estime que j'étais le plus considéré, car j'étais l'héritier sur lequel on comptait pour perpétuer le nom de la famille. (À suivre) Y. H.