"Vous avez les faveurs de l'opinion publique et le bénéfice du doute pour vos positions, M. Tebboune. Ne leurrez pas le peuple en reculant, car ce sera la révolte que vous récolterez !" Comme beaucoup de citoyens, le président de Jil Jadid accueille favorablement les mesures prises ces dernières semaines par le Premier ministre contre ce qu'il qualifie de "bandits de grands chemins". Lors d'une conférence de presse animée, hier, au lendemain de la tenue du conseil politique de son parti à Zéralda, Soufiane Djillali a mis en garde le Premier ministre contre un éventuel recul, faute de quoi, le pays est menacé d'effondrement. "Tebboune a ouvert des dossiers, il faut que la justice prenne le relais. S'il recule, c'est un danger pour le pays, il faut que ceux qui ont pris l'argent le rendent", a-t-il affirmé. "Si le camp du statu quo s'impose, ce gouvernement sera défait et le pays s'enfoncera dans le désordre et probablement dans une désobéissance civile (...)", met-il en garde. Pour lui, "la boîte de Pandore" est désormais ouverte et la "situation est dangereuse". "On lui demande de suturer les artères avant que l'hémorragie n'emporte le pays", dit-il. "Le pays est aujourd'hui en danger. M. Tebboune en a beaucoup trop dit pour se rétracter. Si le peuple est, une fois encore, trompé, l'Etat perdra toute autorité et les pires réactions seront à craindre." À l'inverse de certaines grilles de lecture, Soufiane Djillali voit dans le bras de fer engagé par Tebboune avec le chef du patronat et l'UGTA les manifestations des répliques du séisme des législatives du mois de mai dernier. "Avec l'abstention massive aux élections législatives du 4 mai, le système politique actuel s'est gravement lézardé. Une partie du pouvoir semble avoir pris conscience que la défiance populaire conjuguée aux graves difficultés socioéconomiques qui s'annoncent pour bientôt vont accélérer le délitement du régime avec le risque grandissant d'entraîner l'Etat dans sa chute." "Ce changement d'équilibre interne s'est traduit par le départ du gouvernement des figures les plus zélées du cercle présidentiel, et les plus actives pour le quatrième mandat. Le conflit gouvernement-patronat en est le prolongement", soutient-il. Il suggère même qu'il y a une partie au sein du régime qui a pris conscience du lourd message délivré par le peuple le 4 mai et des dangers qu'il comporte autant pour le régime que pour le pays. "Il y a une alerte au sein du régime. Il y a quelque chose de grave qui est en train de se passer. Bouteflika ne va pas scier un système qu'il a monté (...) Des brigands se sont constitués sur son dos, lui absent et consentant. D'ailleurs, il est en arrêt de travail depuis sept ans, il doit être payé par la Cnas", ironise Soufiane Djillali. Dans ce qui apparaît comme un changement tactique dans la stratégie du parti, engagé dans l'opposition radicale au régime, Soufiane Djillali soutient que son parti est disposé à dialoguer avec Tebboune pour peu "qu'on discute de tous les dossiers", "que les syndicats autonomes soient invités" et que des garanties soient données pour la régularité des prochaines élections. Interrogé sur la rencontre prévue aujourd'hui entre le gouvernement et le patronat (l'UGTA s'étant muée en syndicat des patrons, selon lui), Soufiane Djillali a estimé que "sa convocation ne peut pas annuler ce qui a été dit et fait depuis le 24 mai dernier", même s'il observe au demeurant l'absence de soutien du FLN et du RND à Tebboune. Karim Kebir