L'application de cette mesure par effet rétroactif relève de l'aberration. Plusieurs opérateurs économiques font le pied de grue au ministère du Commerce, les DCP (directions du commerce de wilaya) et les inspections portuaires. Pour cause, ils n'arrivent pas à faire sortir leurs marchandises des ports pour défaut de licences d'importation. Pourtant, leurs marchandises avaient été commandées et payées bien avant la promulgation des licences pour les produits qu'ils ont importés. C'est le cas d'un opérateur qui voit sa marchandise constituée de produits cosmétiques bloquée au port. Ce dernier explique que le texte a été mis en œuvre et appliqué y compris aux opérations en cours de dédouanement au niveau des enceintes portuaires. Il s'insurge, d'ailleurs, contre l'application à effet rétroactif du décret qui exige la licence d'importation pour des commandes effectuées par des opérateurs bien avant que cette nouvelle réglementation ne soit mise en œuvre. Dans le cas de cet opérateur, sa marchandise a été expédiée le 30 mai dernier, soit avant l'institution des licences sur les cosmétiques. Pour le retrait de sa marchandise du port, il a satisfait à l'obligation faite d'une visite des services de la DCP. Mais ces derniers ont refusé de lui délivrer le document nécessaire à l'enlèvement de sa marchandise "parce qu'ils ont reçu une note du ministère du Commerce exigeant la présentation de la licence d'importation même si la transaction s'est faite avant la promulgation des licences concernant les cosmétiques". Notre interlocuteur explique qu'il a saisi par courrier le ministère en date du 26 juillet et la DCP le 2 août. En réponse, la DCP le renvoie au ministère du Commerce alors que ce dernier ne donne aucune réponse. "Pour avoir une réponse du ministère, il faut y aller un jour de réception et il n'est pas évident d'être reçu vu le monde fou qu'il y a", indique-t-il. Certains opérateurs sont obligés de venir de l'intérieur du pays pour le même problème avec tous les désagréments que cela engendre pour eux et leur entreprise. Les retards occasionnent d'importants surcoûts, aggravés par les pénalités financières que les services douaniers appliquent à toute marchandise dont le délai d'enlèvement est dépassé. La situation devient donc de plus en plus préoccupante sur le terrain pour les opérateurs dont les marchandises sont bloquées au port, dans l'attente d'une intervention du ministère du Commerce. Dépité, l'opérateur nous explique que "cette marchandise est en partie déjà vendue à des clients qui nous font confiance et le manque à gagner sur cette transaction est de 36 millions de dinars". "À quoi rime cette situation ?", a fini par s'interroger notre interlocuteur. "Si c'est pour faire des économies de devises, l'argent est déjà chez le fournisseur" puisque la transaction a été faite. Le seul résultat, selon lui, est une perte sèche pour l'opérateur avec les conséquences sur la marche de l'entreprise et sur l'Etat aussi avec des devises qui sortent et des frais de douane et de TVA qui ne sont pas encaissés. Outre les cosmétiques, ce sont aussi des produits périssables qui sont en souffrance au port, engendrant des dizaines de millions de dinars de pertes. L'opérateur affirme qu'il n'a rien contre l'instauration des licences d'importation pour les cosmétiques. D'ailleurs, "dès le lendemain de la mise en œuvre de ses licences, nous avons déposé nos demandes", souligne-t-il. L'instruction du Premier ministre donnée à la direction générale des Douanes de veiller à la stricte application du système des licences d'importation en exigeant, pour le dédouanement des produits soumis à la licence, la présentation du document en question, relève du bon sens. Mais l'application de cette mesure par effet rétroactif relève de l'aberration. Les opérateurs économiques sont désemparés par ce fait accompli imposé par l'administration. Saïd Smati