Dans cet ouvrage, le penseur réitère sa conviction que l'islam peut porter des espoirs de modernité pour peu qu'il franchisse la phase d'acceptation de la critique. Paru en 2016 aux éditions Barzakh, La question éthique et juridique dans la pensée islamique de Mohamed Arkoun contient 202 pages d'une écriture érudite mais pénétrable par laquelle le grand penseur algérien, comme à son habitude, livre une analyse sans complaisance sur l'état de la pensée islamique contemporaine. Il aborde en premier lieu les sources de l'éthique qui sont, selon lui, la religion, la philosophie et les révolutions scientifiques. Il traite ensuite de la question des droits de l'homme dans l'espace historique méditerranéen en se basant sur les exemples de l'Egypte et de la Turquie, en les élargissant à l'Iran. "Peut-on parler d'origine islamique des droits de l'homme ?", s'interroge l'auteur qui propose "un préambule à la déclaration islamique universelle des droits de l'homme". Il reste, en cela, fidèle à sa conviction que l'islam porte les espoirs de modernité pour peu qu'il franchisse la phase d'acceptation de la critique. Mohamed Arkoun préconise "une égale distance critique à l'égard de toutes les valeurs héritées dans toutes les traditions de pensées jusque et y compris la raison des Lumières, l'expérience laïque déviée vers le laïcisme militant et partisan". S'il défend l'idée que la laïcité est l'un des facteurs d'évolution de l'islam vers la modernité, il avertit que "sans l'appréhension des particularités des sociétés islamiques, le projet laïque n'a pas de sens pour ces sociétés" car, précise-t-il, elles sont profondément différentes des sociétés occidentales dans leur rapport au sacré, et de ce fait, dans leur rapport à la science et à "la raison laïque". Dans le troisième chapitre du livre, le penseur aborde la place des religions monothéistes dans le monde d'aujourd'hui, avec "la recherche d'un sens de l'avenir". Il termine son ouvrage en appréhendant l'histoire réflexive de la pensée comme problématique de la vérité. En parfait connaisseur du Coran et du hadith, et en sa qualité d'éminent penseur musulman reconnu partout dans le monde, Arkoun se permet de constater que "la pensée politique et juridique critique reste bloquée à la fois par les juristes traditionalistes gardiens des orthodoxies sunnite et chiite et par les Etats postcoloniaux qui ont étatisé la religion en fonctionnarisant le contrôle de tout le théologico-politico-juridique...". Pour ceux qui ne connaissent pas Mohamed Arkoun, il convient de préciser qu'il est né en 1928 à Taourirt Mimoun, dans les Ath Yenni, et mort le 14 septembre 2010 à Paris. Il est présenté souvent comme "un humaniste, laïque et un militant actif du dialogue entre les religions, les peuples et les hommes". Il a joué un grand rôle dans la connaissance de l'islam en Occident, en présentant les aspects positifs de cette religion que les obscurantistes ne cessent de ternir. Il a été professeur dans plusieurs universités à travers le monde et auteur prolifique dont l'œuvre sur la pensée islamique a été primée aux quatre coins de la planète. Il s'est toujours fait un point d'honneur de défendre l'idée que "l'Occident n'est pas plus l'incarnation du démon matérialiste, immoral et athée, que l'islam n'est réductible au fondamentalisme intégriste, terreau du terrorisme et incompatible avec la démocratie et la modernité". Le credo de Mohamed Arkoun semble être "la critique de la raison", qu'elle soit islamique ou autre, seule voie, selon lui – pour le sujet du livre – pouvant mener vers un islam repensé dans le monde contemporain, dans le respect de l'authenticité de la religion et de la culture musulmanes. La question éthique et juridique dans la pensée islamique, de Mohamed Arkoun. Editions Barzakh. 202 pages. 2016.