Le recueil de poèmes Faux Pas de la poétesse écrivaine Fouzia Laradi aurait pu s'intituler à l'injonction "faut pas !" ou au conseil d'"il ne faut pas !" Sans rire, le spicilège a tout l'air d'une scène de ménage où, plutôt que d'envoyer de la vaisselle en l'air, l'auteure use de finesse. De la même manière qu'une "Bent El-Casbah" et fidèle à son statut identitaire d'une algéro-berbère, l'auteure n'a que la pétillante malice de son enfance à opposer à la discourtoisie d'un macho : "Beaucoup trop tes faux pas. La douleur me perturbe en attendant le grand pas qui reste possible !", déclame l'auteure qui nourrit de l'espoir pour le grand pas auquel rêve toute âme sœur et qui équivaut sans doute au vœu d'une vie à deux ou à défaut le grand saut vers la rupture ! Donc, sensée et précautionneuse lorsqu'il s'agit d'aborder le thème tabou de l'amour pour son homme, l'auteure imagine et épice la colère de l'anonyme Mahgoura (opprimée) d'une pincée d'élégance dans sa démarche et d'une once de douceur dans ses propos : "À combien de femmes tu as dit bonne fête et à combien de fois tu as réussi à être ce monsieur à l'allure parfaite !", reproche-t-elle à ce macho d'époux qui distribue à l'emporte-pièce les roses du 8 mars à d'autres... mais qui omet, par goujaterie ou muflerie, la date d'anniversaire de sa bien-aimée et celle du jour de leur union. Autant d'inattention et de "beaux compliments" qu'elle n'a plus l'épouse et qu'il ne lui fait plus, s'indigne l'auteure qui se fait défenseur de sa sœur opprimée. Se voulant prudente, l'auteure a rimé ses vers, comme le lui ont appris ses lectures d'Isefra n Zikenni (poèmes d'antan) de sa grand-mère ou le chant d'Achouiq de ses aïeules pour évacuer la monotonie qui s'installe dans le couple. "À combien de dames tu as peut-être plu dans ton élégance, dans ta galanterie ?", s'insurge l'auteure qui "cherche toujours le bonheur" d'une entente, en vain ! "Dans ton joli masque qui m'a éblouie et qu'en rentrant le soir, tu ne le portes plus !" À ce poème qui s'intitule Des présents dans nos plaies, Fouzia Laradi s'écrie : "Je ne serai qu'une cendre brûlante, et de nos longues nuits de feux, je ne serai que l'écho !" Devenus au fil des jours "deux corps morts", la poétesse conclut sur l'ode à la liberté : "Je quitte" et hisse ainsi le drapeau blanc pour crier : "Tu me masques la vie. Je dépose mes armes et je prends mon crayon ! Dis-moi où je signe. Je quitte et je te conjuguerai au passé. Mieux, je volerai sans toi vers d'autres cieux pour être l'éternelle présente dans les regrets de ta vie." C'est dire que l'on ne se lasse pas d'un délice préfacé par le poète Abderrahmane Djelfaoui et publié aux éditions El-Fairouz. Louhal Noureddine