Dans son éditorial de septembre, la revue El-Djeïch met en garde "tous ceux qui, en secret, ouvertement ou implicitement, réclament l'intervention de l'armée". Ainsi, après le président du Conseil de la nation et le président de l'Assemblée populaire nationale qui ont fustigé, chacun pour sa part, le jour de la rentrée parlementaire, toutes les voix appelant à l'application de l'article 102 portant sur l'état d'empêchement du président de la République pour cause de maladie grave et durable, c'est, à présent, au tour de la grande muette de venir sommer tout le monde de ne pas lui demander de prendre partie. "Notre armée demeurera une armée républicaine, engagée à défendre la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale et à préserver l'indépendance du pays. Une armée qui ne se départira pas de ses missions constitutionnelles quelles qu'en soient les conditions et circonstances. Point à la ligne", écrit l'éditorialiste, visiblement très tranchant, de la revue El-Djeïch qui s'en est pris d'une manière virulente aux "plumes mercenaires". Se targuant de jouer la carte de la neutralité, ceux qui parlent aujourd'hui au nom de l'armée semblent déjà avoir oublié la lettre de félicitations adressée "ès qualités" par le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'ANP, à Amar Saâdani, ex-secrétaire général du Front de libération nationale (FLN) à la suite de son "plébiscite" au dernier congrès du parti. Etait-ce constitutionnel ? Peut-être pas, car de mémoire d'observateur de la scène politique, une telle démarche ne s'était pas produite depuis au moins l'amendement de la Constitution en 1989 consacrant en Algérie le pluralisme obligeant les militaires, qui étaient alors membres du comité central de l'ex-parti unique, à se retirer de la scène politique et à rejoindre leurs casernes. Avec ce précédent, il sera, désormais difficile aux chefs militaires de faire accroire — comme cela est déjà arrivé — que l'armée "populaire" a toujours payé les mauvais choix politiques en Algérie. Refusant, à son tour, tout débat sur la vacance du pouvoir et sur les modalités d'application de ce fameux article 102, l'armée a fait, donc, le choix de la stabilité... politique. Sur sa page Facebook, l'ex-président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrezak Makri, ne s'est pas empêché de s'interroger sur les motivations de la grande muette à "parler autant". "Ce genre de déclaration est soit une couverture ou une diversion sur une intervention imminente, soit une position imposée par une partie (civile ou militaire) qui craint l'intervention", croit-il savoir. Enfin, pour enfoncer le clou, M. Makri rappelle que l'armée conserve, dans ce pays, pour des raisons historiques, un pouvoir de fait. "Si, comme le soutient l'opposition, le pays se dirige vers une crise, nos soldats et les hommes en charge de la sécurité vont devoir affronter la situation. Et il est de leur devoir de participer efficacement dans la transition démocratique en tant que partenaires et garants", recommande-t-il sur son mur Facebook. Abondant dans le même sens, Hacène Ferli, secrétaire national du Front des forces socialistes, chargé de la communication considère que l'armée algérienne n'est pas étrangère au destin politique du pays. "Pour nous, l'armée doit être au service de la nation et du consensus qui lie les membres de cette patrie. En aucun cas, elle ne devrait être au service d'un clan ou d'un système." Il est à signaler que des citoyens et des militants ayant arboré des t-shirts portant le fameux chiffre 102 ont été arrêtés et relâchés jeudi par des policiers à Alger-Centre. Mohamed-Chérif Lachichi