La représentante du RCD estime que changer uniquement de Président ne suffit pas pour entamer la transition démocratique. Visiblement consciente du "verrouillage hermétique" des institutions, la majorité des représentants des partis de l'opposition se déclare plutôt "sceptique" quant à l'éventualité de l'application de l'article 102 pour déclarer la vacance du pouvoir du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, pour empêchement physique d'exercer pleinement ses fonctions. En effet, excepté Soufiane Djillali, le premier responsable du parti Jil Jadid qui persiste à revendiquer le recours à cet artifice constitutionnel pour destituer Bouteflika, le reste des responsables des partis de l'opposition que nous avons contacté, hier, privilégie plutôt l'ouverture d'un dialogue national inclusif pour aller vers une transition démocratique. C'est le cas, entre autres, du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Mohcine Belabbas ou encore de Talaïe El-Houriat (Avant-gardes des libertés) d'Ali Benflis. "Pour nous l'application de l'article 102 et la destitution de Bouteflika ne va pas résoudre la crise politique profonde que vit le pays. Donc, on n'en fait pas notre revendication. Si on avait des institutions valables, on n'aurait même pas besoin d'un Président pour que le pays fonctionne. Hélas, on n'en a aucune : le Président n'existe pas, la Présidence non plus, encore moins le Conseil constitutionnel ou le Parlement", a commenté le porte-parole de Talaïe El-Houriat, Ahmed Adimi, pour qui, aujourd'hui, seule l'institution militaire reste encore "debout". D'où sa conviction que l'armée serait la seule et unique institution qui reste légitime pour "l'organisation d'un dialogue national". "Aujourd'hui, on demande à l'armée de se porter garante pour l'organisation d'un dialogue national élargi à l'ensemble des partis politiques de l'opposition, des organisations de la société civile, voire des personnalités nationales", résume M. Adimi pour qui la solution à la crise politique actuelle passe avant tout par l'amorce d'une transition démocratique. Une transition, ajoute-t-il, qui doit aboutir dans un premier temps à la mise en place d'une instance indépendante pour l'organisation des élections. M. Adimi ne croit pas à la solution de la crise économique sur laquelle insiste, ces derniers temps, le pouvoir en place sans qu'il y ait au préalable une solution politique. Pour lui, la situation que traverse le pays est "très grave" et que "la crise est éminemment politique". Pour sa part, Me Fetta Saddat, députée et responsable au RCD, si elle n'appelle pas l'armée à intervenir, regrette que le "verrouillage" des institutions est actuellement tel que les appels à l'application de l'article 102 seraient d'avance peine perdue. Mieux, elle juge que c'est "un leurre" que d'appeler à l'application de cet article. La représentante du RCD estime, en outre, que changer uniquement de Président ne suffit pas pour entamer la transition démocratique. En revanche, elle réclame un "changement réel" du pouvoir. Abondant dans le même sens, Abdelmadjid Menasra, président du MSP, estime, à son tour, que le changement d'une personne, en l'occurrence le président Bouteflika, dans le système reste une solution "simpliste" et "superficielle". "La destitution du Président ne va pas résoudre la crise", a dit M. Menasra qui, lui, ne constate pas de vacance du poste de président. "Pour nous, il n'y a pas de vacance du président", a-t-il tranché, même s'il reconnaît l'existence d'une crise multidimensionnelle qui nécessite l'engagement d'un dialogue national "inclusif et global". Aux partisans d'une intervention de l'armée, Menasra estime qu'un politique démocrate ne doit pas être favorable à cette option. Ce qui n'est pas l'avis de Soufiane Djillali qui, lui, persiste à réclamer l'application de l'article 102 pour la destitution de Bouteflika. "Ce n'est pas parce qu'ils (les décideurs) refusent d'appliquer les lois de la République que nous allons faire machine arrière. À travers notre appel et nos sorties sur le terrain, nous avons déjà lancé la bataille de faire prendre conscience au peuple la nécessité de destituer Bouteflika dont l'empêchement physique à exercer ses fonctions est confirmé ; vous n'avez qu'à voir les réactions des Algériens sur les réseaux sociaux. Tout le monde en parle", a commenté M. Djillali pour qui, la dernière confirmation sur la réalité de la santé du Président est venue d'Ouyahia qui a parlé à sa place. "En nous répondant à sa place, M. Ouyahia ne fait que confirmer l'inexistence physique de Bouteflika. Le Président est-il mineur ou handicapé pour que l'ensemble des responsables des institutions parle en son nom ?", a asséné le président de Jil Jadid qui regrette le fait que le pays soit "otage d'un clan qui a pris le contrôle des institutions". Farid Abdeladim