Devant un public séduit d'avance, Césaria Evora n'a pas eu beaucoup de mal à convaincre, en offrant à ses fans, une inoubliable soirée mornas et coladeras. Si le repassage est un hobby pour elle, chanter, c'est toute sa vie. Elle vient du Cap-Vert, archipel éparpillé dans l'immensité de l'océan Atlantique. Elle a la musique dans le sang et la peau, couleur du soleil. Même si elle chante en créole, Césaria Evora ne trouve aucune difficulté à séduire. Là où elle passe, on tombe sous le charme d'une femme belle, dans sa simplicité, et le public algérois, averti pour certains, n'a pas dérogé à la règle, à l'occasion du concert événement animé à Alger. Très tôt dans la soirée, les fans de Césaria s'étaient déjà regroupés à l'entrée de la salle. 21 heures tapantes, la salle archicomble plonge dans le noir. Sur scène, la diva sera accompagnée d'un pianiste, un saxophoniste, deux guitaristes, dont un à la karaki (petite guitare du Cap à quatre cordes), un batteur, un autre percussionniste au conga et un violoniste. Une formation très latino, composée de musiciens cubains, brésiliens et capverdiens, qui donnera le ton de la soirée, en exécutant un morceau salsa. Sous une avalanche d'applaudissements, Césaria Evora rejoint le groupe, égale à elle-même, elle avance, sur scène pieds nus d'un pas lent. “Je prends de l'âge”, ironise-t-elle lors d'une conférence de presse, animée la matinée. Et si physiquement, la chanteuse a pris quelques rides, sa voix céleste n'a pas vieilli. À 64 ans, Césaria chante avec beaucoup de facilité, une voix naturelle de cantatrice. Elle gratifiera l'assistance d'une série de Na Salamansa, Cize, Miss Perfumado, Voz de Amor, Vaquinha Mansa et bien d'autres chansons aussi connues par le public, avant d'enchaîner avec les légendaires Sodade et Besame mucho. Personnage atypique, Césaria marquera une pause pour fumer une clope, pas la peine de se retirer dans les coulisses. Avant de poursuivre ses pérégrinations dans le monde de la morna, ces sonorités traduisent le mieux l'état d'esprit des îliens, festifs par nature mais non moins lyriques ; ces mêmes Capverdiens ô ! combien tiraillés entre le “vouloir rester et devoir partir”, au dire du poète. Ce mal du pays, cette nostalgie poignante imposée par le départ, où les Capverdiens pleurent l'amour brisé par la séparation, mais qui survit à la distance jusqu'au bonheur suprême du retour. À ces airs mélancoliques, la diva greffera à ses mornas, des airs plus joyeux des coladeras. Un genre musical qui prend le relais de la morna, dont il est, paraît-il, une émanation directe, mais jouée dans un rythme plus speed et plus gai. W. L.