En dépit des appels au dialogue, notamment de la part de l'Union européenne, l'Espagne, au lendemain du discours accusateur du roi, engage des poursuites judiciaires contre des personnalités catalanes. Le bras de fer entre Madrid et la Catalogne se poursuit sur fond de fermeté du gouvernement espagnol à ne pas négocier l'unité du pays et de détermination des dirigeants catalans à aller jusqu'au bout de leur entreprise. Aucune des deux parties ne semble disposer à faire des concessions. C'est dire que les appels au dialogue demeurent vains. Les dirigeants catalans envisagent même de déclarer l'indépendance de la Catalogne avant la fin de la semaine en réponse au discours accusateur de Felipe VI. Il a tiré à boulets rouges sur les indépendantistes catalans en affirmant qu'"avec leur conduite irresponsable, ils peuvent même mettre en danger la stabilité économique et sociale de la Catalogne et de toute l'Espagne". Réagissant au virulent discours royal, le porte-parole du gouvernement catalan Jordi Turull a accusé hier Felipe VI d'avoir "jeté de l'huile sur le feu" avec son discours. "Ça a été épouvantable, une erreur de tous les points de vue", a-t-il déclaré à la télévision catalane. Mais, fidèle à la stratégie adoptée depuis le début, Madrid a encore durci sa position hier en annonçant des poursuites judiciaires contre le chef de la police catalane et des responsables indépendantistes. La justice espagnole "a convoqué en vue de leur inculpation" le chef de la police catalane Josep Lluis Trapero ainsi qu'une de ses subalternes et deux dirigeants d'associations indépendantistes, dans le cadre d'une "enquête pour sédition". L'enquête porte sur des faits survenus le 20 septembre, lorsque l'arrestation de 14 hauts responsables de l'exécutif séparatiste catalan avait provoqué d'importantes manifestations contre la Garde civile à Barcelone. La police catalane a été accusée d'avoir tardé à intervenir pour dégager les gardes civils encerclés dans un bâtiment qu'elle perquisitionnait. Selon le code pénal espagnol, la sédition est passible d'une peine allant jusqu'à quinze ans de prison pour un fonctionnaire. Galvanisé par le référendum, la grève générale et les manifestations de masse qui ont réuni mardi 700 000 personnes à Barcelone contre les violences, le président du gouvernement catalan Carles Puigdemont a assuré que son gouvernement s'apprêtait à déclarer l'indépendance "à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine". "Nous allons déclarer l'indépendance 48 heures après le décompte des résultats officiels" du référendum, a-t-il annoncé dans un entretien à la BBC. Rappelons que, d'après les résultats provisoires, le oui à l'indépendance l'a emporté avec 90% des votants dans ce scrutin sans liste électorale et sans observateurs. Pendant ce temps, l'Union européenne, qui ne sait plus sur quel pied danser, va être pressée à prendre position par ses différents organes, à commencer par son parlement. Au début du débat lancé par les députés européens hier sur la situation en Catalogne, le vice-président de la Commission européenne a estimé qu'"il est grand temps de dialoguer". "Il est grand temps de dialoguer, de parler, de trouver une voie en dehors de l'impasse et de travailler conformément à l'ordre constitutionnel espagnol", a plaidé M. Timmermans devant les députés européens réunis en session plénière à Strasbourg. Merzak Tigrine