C'est en juin dernier que la présidence française, au terme d'une communication téléphonique entre le fraîchement élu président Emmanuel Macron et le président Bouteflika, avait annoncé la programmation "pour les prochaines semaines" de cette visite. Voilà qui devrait sans doute mettre fin, ou du moins atténuer les spéculations : le président français Emmanuel Macron sera à Alger le 6 décembre prochain. C'est lui-même, contre toute attente, qui l'a annoncé hier, dans la matinée, en réponse à une interpellation d'un citoyen, lors d'une visite à Tourcoing (nord de la France), selon plusieurs médias français. Pour un président, dont la communication est réglée comme du papier à musique, on a peine à croire que cette annonce n'ait pas été préparée. "Suite aux consultations entre les institutions algériennes et françaises compétentes, la visite en Algérie du président de la République française, M. Emmanuel Macron, a été fixée pour le 6 décembre prochain", a confirmé quelques heures plus tard l'agence officielle, APS, citant une source autorisée au ministère des Affaires étrangères. Aucune autre précision n'est fournie : ni sur la nature de la visite, encore moins sur l'agenda. C'est en juin dernier que la présidence française, au terme d'une communication téléphonique entre le fraîchement élu président Emmanuel Macron et le président Bouteflika, avait annoncé la programmation "pour les prochaines semaines" de cette visite. Mais depuis, aucune date n'a été fixée, ce qui avait ouvert, au fil des semaines, la voie aux spéculations, particulièrement sur la capacité physique du président Bouteflika, affaibli par l'AVC qui a affecté sa mobilité et sa locution, à recevoir son hôte. Surtout qu'il y a eu déjà un précédent avec le report de la visite en février dernier de la chancelière allemande, Angela Merkel, en raison de "l'indisponibilité du Président pour cause de bronchite aiguë", avait indiqué alors la Présidence algérienne. Au-delà de la confirmation, par ricochet, du retour de flamme chez le président Bouteflika, cette visite d'Emmanuel Macron, la première depuis son élection, permettra sans aucune doute d'imprimer une nouvelle dynamique à la relation algéro-française, parfois plombée par le contentieux mémoriel, que son prédécesseur, en l'occurrence François Hollande, a réussi à réchauffer après sa visite de 2012. Emmanuel Macron l'a rappelé à Bouteflika dans un message qu'il lui a adressé début août. "Je salue votre vision et votre engagement décisif dans le développement du partenariat d'exception qui unit la France et l'Algérie. Votre impulsion dans la refondation engagée en 2012 avec mon prédécesseur a permis des avancées spectaculaires dans tous les domaines. Jamais dans l'histoire, les liens entre nos deux pays n'ont atteint un tel niveau d'excellence et de densité", a écrit Macron dans ce message qui était une réponse au message de Bouteflika à l'occasion de la fête du 14 Juillet. Pragmatisme Cette dynamisation s'annonce d'autant possible que le président français, à l'inverse de ses prédécesseurs, assume sans complexe la mémoire commune, dans un esprit de lucidité et d'apaisement, selon ses propos. Lors de son séjour en février, dans le cadre de la campagne pour la présidentielle, Emmanuel Macron avait brisé ce qui était un tabou, jusque-là, en qualifiant le colonialisme de "crime contre l'humanité". Une affirmation, que même si elle a suscité beaucoup de réactions en France, avait été perçue à Alger comme un gage pour l'ouverture de nouveaux horizons pour les relations algéro-françaises. Bouteflika voit même en Macron l'"ami" de l'Algérie. "Votre élection bien méritée en qualité de président de la République française récompense, à bon droit, la force de votre volonté, la lucidité de votre vision et la rectitude de vos engagements. Le peuple français qui a su choisir en vous l'homme d'Etat, de cœur et d'esprit, capable de présider à ses destinées dans cette conjoncture difficile et de conduire sa trajectoire vers l'avenir qualitativement meilleur que vous avez projeté avec une conviction communicative, a, ce faisant, fort opportunément distingué un ami de l'Algérie", s'était réjoui Bouteflika dans un message de félicitations à Macron peu après son élection. Il voit même en lui celui par qui une véritable réconciliation est possible entre les deux pays. "Votre récente visite à Alger, dans le contexte du lancement de votre remarquable marche vers l'accomplissement de votre haute destinée nationale, a déposé, pour toujours, dans le patrimoine commun de nos deux pays et au-delà, la pétition de principe empreinte de courage politique et de sincérité humaine hors du commun quant à la nature irrécusablement condamnable du colonialisme. Cette attitude pionnière de votre part vous place, naturellement et légitimement, dans la position-clé de protagoniste, convaincu et convainquant, du parachèvement d'une réconciliation authentique entre nos deux pays, dans la fidélité à des valeurs propres aux peuples dont la proximité dans les épreuves de la confrontation se valorise en un compagnonnage dans l'espérance à nul autre comparable." Une cause visiblement entendue par le nouveau chef de l'Etat français. "Il nous faut faire de ce regard sur notre passé le point d'appui d'un nouvel élan vers l'avenir pour notre partenariat bilatéral. Plus que jamais, celui-ci doit se construire sur des projets concrets, structurants et mutuellement bénéfiques, il doit aussi se construire sur la scène internationale alors que nos deux pays sont en première ligne face à la menace terroriste et à l'instabilité régionale, notamment au Sahel et en Libye", a indiqué Macron. "Beaucoup de travail a déjà été effectué, et les prochains mois seront marqués par une série de rendez-vous majeurs qui permettront de préparer le projet de grande visite officielle que je serais très heureux et honoré d'effectuer en Algérie, au moment qui vous conviendra", avait-il encore ajouté. Il est vrai que sur le plan économique, les relations sont denses, même si elles n'ont pas encore atteint le niveau souhaité de part et d'autre. Avec 8 milliards d'échanges commerciaux, la France est l'un des premiers partenaires économiques de l'Algérie en Afrique, comme le rappelait, il y a quelques jours, l'ambassade de France à Alger. La France est également le premier investisseur hors hydrocarbures en Algérie. Près de 500 entreprises y opèrent et de nombreux projets sont en chantier dont le dernier en date est celui de la construction automobile. Et au plan sécuritaire, tout comme au plan politique, le dialogue est permanant, compte tenu du défi sécuritaire, notamment, auquel les deux pays sont confrontés. Mais si de part et d'autre, l'on affiche des dispositions et l'on se félicite du dialogue et de certains projets, il reste que le chemin reste encore long pour assoir une véritable réconciliation, à l'image de celle tissée avec l'Allemagne, et conférer un contenu effectif au partenariat d'exception. Et ce ne sont pas les points d'"incompréhension" qui manquent : le contentieux mémoriel, la circulation des personnes, les IDE et la question sahraouie... "Vaste programme !", pour reprendre une célèbre phrase de De Gaulle. Karim Kebir