Les deux Premiers ministres algérien et français, Ahmed Ouyahia et Edouard Philippe, ont animé un point de presse à l'issue de la réunion du CIHN pour faire le point sur la coopération bilatérale, ses ambitions et ses freins. Objet d'un sérieux contentieux entre les deux pays, la question de la mémoire est revenue dans les propos tenus par les deux Premiers ministres devant les journalistes. Si de son côté, Edouard Philipe a estimé que la France et l'Algérie, sans renier les pages sombres de l'histoire, doivent regarder vers l'avenir, Ahmed Ouyahia a défendu la position de l'Etat algérien et son souci de régler les points de litige. "L'Algérie ne souhaite pas enfermer les relations bilatérales dans le passé mais alléger la démarche commune vers l'avenir en réglant quelques soucis", a-t-il souligné, saluant l'accord exprimé la veille à Alger par le président Macron de restituer à l'Algérie les crânes des résistants algériens conservés au Museum d'Histoire naturelle, à Paris. Il a annoncé, à ce sujet, que les autorités algériennes allaient préparer "le dossier procédural" de demande de restitution. De leur côté, les parlementaires français vont préparer une loi permettant de déclassifier les ossements. Des démarches pourront également être entamées concernant le transfert en Algérie d'une copie des archives de la période coloniale. "Nous avons fait une bonne percée, puisqu'Emmanuel Macron nous a annoncé, au nom de la France, la disponibilité de notre partenaire à nous remettre une duplication de toutes les archives, ce qui permettra de gérer plusieurs affaires de la vie courante en Algérie", a révèle Ouyahia. Plus globalement, il soutiendra que "le dossier de la mémoire n'est pas simple". Il s'est, néanmoins, félicité de "l'existence d'une volonté partagée pour satisfaire les peuples des deux pays". Pas d'intégration du G5 Sahel Dans le dossier de la lutte contre le terrorisme, les convergences de vues entre les deux pays sont beaucoup plus affirmées. Les deux Premiers ministres ont considéré, chacun son tour, que la sécurité est une priorité aussi bien dans la Méditerranée que dans le Sahel. À propos du Sahel, justement, la question qui a été posée à Ouyahia est de savoir si l'Algérie allait rejoindre le G5 Sahel. Ce à quoi il a répondu en affirmant que notre pays fait beaucoup pour le rétablissement de la paix au Mali (où il a déjà parrainé 4 accords). Il a précisé, concernant le Sahel, que l'Algérie a dégagé, en huit ans, 100 millions de dollars pour financer la formation des forces spéciales des pays de cette région et leur dotation en équipements militaires. Ouyahia a rappelé, par ailleurs, l'existence d'une coordination militaire et sécuritaire entre l'Algérie et ses voisins du Sahel. "C'est une dynamique qui avance bien, et même avec nos amis Français, nous coopérons assez bien dans la région sahélienne", a, en outre, indiqué le Premier ministre. Pour autant, il a expliqué que "des barrières constitutionnelles" empêchent l'Algérie d'adhérer au G5 Sahel. Cela dit, il a assuré que l'Etat algérien va "continuer à soutenir politiquement et sur le plan de la formation et de la logistique l'effort que la France a eu le mérite d'engager au Sahel, d'abord, pour bloquer l'offensive terroriste qui a failli avaler le Mali, il y a quelques années, ensuite, pour contribuer à préserver la paix dans la région". Sur le plan de la coopération économique, Paris et Alger envisagent d'aller plus loin en mettant en place un fonds qui facilitera les investissements de part et d'autre de la Méditerranée. Le Premier ministre français a expliqué que les deux pays "ont la volonté partagée de construire ensemble et de développer un partenariat d'exception". Il a révélé qu'actuellement, 450 entreprises françaises ont des investissements en Algérie. Ce qui a entraîné la création de 100 000 emplois indirects. Il a également affirmé que l'accent sera mis dans l'avenir sur la promotion de la coopération dans l'éducation, la formation professionnelle et universitaire. Le Premier ministre a également révélé qu'un nouveau Document-cadre de partenariat (DCP) va être élaboré pour les quatre années à venir. Enfin, interrogés sur le statut discriminatoire des étudiants et des retraités algériens en France, Ouyahia a affirmé que la situation des deux catégories est globalement bonne. D'après lui, il n'y a pas lieu de revoir l'accord de 1968 qui régit les règles de circulation des personnes entre l'Algérie et la France. "Heureusement que les Algériens l'ont", a affirmé le Premier ministre qui s'est félicité de la disposition de la France à le conserver et à le mettre à jour régulièrement par des échanges de lettres et de protocoles. S. L.-K.