Les constructeurs et les concessionnaires s'interrogent sur quelle base ont été choisis les 10 investissements dans l'automobile sur 83 projets déposés au ministère de tutelle. Sitôt dit, sitôt fait. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, n'a pas tardé à passer aux actes, en décrétant, dans une instruction aux services concernés (ministère de l'Industrie et les Douanes algériennes), le rétrécissement du champ d'investissement dans le montage automobile à 10 opérateurs, soit 5 pour le véhicule de tourisme et 5 pour le camion et le bus. Composé de plusieurs chapitres, ce décret vient fermer le champ d'investissement devant 70 opérateurs qui exerçaient depuis 2017, dont une vingtaine de concessionnaires automobiles multimarques. Au total, ce sont 73 projets, sur les 83 déposés, qui sont définitivement enterrés, dont la plupart portés par des investisseurs affiliés à l'association des constructeurs et des concessionnaires algériens (AC2A). Ainsi, moins d'une semaine après sa déclaration à la 26e foire de la production nationale, M. Ouyahia a assaini de la manière la plus radicale un secteur qui, jusqu'ici, était livré à une totale anarchie et au délit d'initié, notamment en termes de visibilité et des lois régissant une filière aussi juteuse que névralgique. Dans le segment du véhicule particulier (VP), le Premier ministère a retenu cinq opérateurs, dont l'usine de Volkswagen, à savoir Sovac Production (Volkswagen, Seat et Skoda), Renault Algérie Production (Renault et Dacia), Tahkout Manufacturing Company (TMC) pour la marque Hyundai, Peugeot Algérie, dont le contrat a, récemment, été signé, et un opérateur historique qui, jusqu'ici, n'avait pas rendu public son projet, en l'occurrence Nissan Algérie représenté, depuis longtemps, par le groupe Hasnaoui (GH). Dans le segment du véhicule utilitaire (VU) et du lourd (camion et bus), le Premier ministère a également retenu 5 opérateurs, à savoir Iveco du groupe Ival, la société Savem du groupe Haddad pour la marque Astra, la société Frères Salhi pour la marque MAN, la société Isram, dont les actionnaires Maala et Lamari sont basés à Batna, et la société GM-Trade des associés Mazouz et Namroud basés à Sétif pour trois marques chinoises, en l'occurrence Schacman pour le camion, des autobus pour Higer et le VU de la marque Chery. Dans le décret, le Premier ministère a indiqué que "toute autre entreprise activant dans ce domaine qui n'a pas obtenu d'accord formel des services du ministère de l'Industrie et des Mines, ni reçu l'accord du Conseil national de l'investissement (CNI) est considérée en situation irrégulière et devra cesser ses activités. Les administrations concernées, notamment celles de l'industrie, devront prendre les dispositions nécessaires pour cesser d'importer les intrants nécessaires pour leurs activités". Du coup, la société GMI (Global Motors Industry) basée à Batna pour la marque Hyundai (camion) et sa filiale Glovitz pour la marque KIA, sont appelées à disparaître du paysage automobile, alors qu'elles exerçaient l'activité de montage du camion et du véhicule de tourisme. De deux choses l'une : ou ces deux sociétés n'avaient pas "obtenu d'accord formel" pour exister, ou elles étaient considérées "en situation irrégulière". Du reste, tous les projets annoncés depuis 2014, année où le gouvernement avait contraint ces opérateurs à investir dans l'industrie automobile, sont balayés par ce décret qui n'offre aucune voie de recours aux concessionnaires et aux constructeurs. Aussi, ce décret n'a, à aucun moment, précisé sur quelle base ces "5+5 Auto" ont été sélectionnés. "La sélection des 10 opérateurs a assommé les opérateurs exclus. Ce n'est pas normal qu'un décret pareil ne précise pas les critères basiques d'une telle décision !", nous a confié une source proche de l'AC2A. D'ailleurs, le seul critère, s'il était considéré comme tel, est le volume de production à terme. En ce sens, le Premier ministère a indiqué que les 10 marques retenues pourraient atteindre, dans les cinq années à venir, un volume de production de 430 000 unités. Enfin, précise ce décret, ces opérateurs, "poursuivront leurs activités et bénéficieront des avantages du dispositif d'appui à l'investissement qui leur ont été attribués. Ces mêmes entreprises continueront de bénéficier du droit à l'importation des intrants nécessaires à leurs activités". FARID BELGACEM