L'institution judiciaire n'avait enclenché aucune procédure suite au scandale des Panama Papers dans lequel était cité le même Bouchouareb qui était encore en poste au gouvernement. L'ancien ministre de l'Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb, qui défrayait déjà la chronique lorsqu'il était en poste, est, encore une fois, sous les feux de la rampe, quelques mois après avoir été éjecté du gouvernement. Si les critiques sur sa gestion du secteur de l'Industrie étaient monnaie courante, les accusations publiques que vient de porter contre lui Abderrahmane Achaïbou, patron du groupe Elsecom automobile, sont d'une gravité extrême. M. Achaïbou a affirmé, en effet, que l'ex-ministre avait tenté de lui extorquer de l'argent en contrepartie du déblocage de ses projets gelés au département de l'Industrie. Ce à quoi le mis en cause n'a pas répondu. Du moins jusqu'ici. Portée contre une personnalité qui agissait en sa qualité de ministre de la République et dont l'action engageait donc l'Etat, l'accusation est de nature à interpeller les institutions et ne peut être ignorée ou encore passée sous silence. La justice algérienne qui, de fait, est la première institution concernée, va-t-elle s'autosaisir et demander l'ouverture d'une enquête sur ces accusations de corruption ? Difficile d'être affirmatif, même si l'on sait que cette institution s'est autosaisie à plusieurs reprises, par le passé, pour des motifs moins graves que celui de la corruption. Ce n'est pas la première fois que la justice est mise devant ses responsabilités. Il faut rappeler, toutefois, qu'elle n'avait enclenché aucune procédure suite aux révélations sur l'affaire dite des Panama Papers, un scandale dans lequel était cité le même Bouchouareb qui était encore en poste au gouvernement. Il serait, sans doute, naïf de compter sur une réaction spontanée de la Justice algérienne puisqu'elle avait toujours démontré sa promptitude à plutôt s'autosaisir des articles de presse jugés diffamatoires que des affaires de corruption révélées. Défaut de volonté politique sûrement. Mais dans ce cas de figure, une autosaisine du Parquet semble plus que nécesaire, tant il s'agit de laver le gouvernement de ces pratiques en montrant, si les faits reprochés à Bouchouareb étaient avérés, que celui-ci avait commis "un acte isolé" qui ne relevait pas d'une orientation gouvernementale. Une autosaisine de la justice montrerait aussi que l'ex-ministre incriminé ne bénéficie d'aucune protection clanique. La loi est pourtant claire : elle prévoit une ouverture systématique d'une information judiciaire pour faire la lumière sur une quelconque affaire. C'est ce que l'avocat Mokrane Aït Larbi explique. Selon lui, les textes de loi disposent que "chaque fois qu'il y a une accusation de ce genre, le parquet doit ouvrir une information judiciaire, tout en gardant le principe de la présomption d'innocence". Pour l'avocat, "la loi est claire sur ce sujet", sauf que, regrette-t-il, "le problème ne réside pas dans les textes, mais dans leur application et les pratiques". "Ce n'est pas la première fois qu'on accuse un haut responsable de malversations, mais sans pour autant voir la justice bouger", fait-il remarquer, ajoutant que cela est l'un des effets "de l'absence de l'Etat de droit". La justice va-t-elle continuer à observer le silence sur ces affaires, elle qui est prompte à "délégaliser" les grèves et autres mouvements sociaux et une contestation politique ? Il faut rappeler que l'actuel ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, a appelé les citoyens à dénoncer les actes de corruption, assurant que la loi protège les dénonciateurs de ces actes. Le même ministre s'est engagé, également, à ouvrir "tous les dossiers de corruption", affirmant sa volonté "de poursuivre toutes les personnes incriminées". Mohamed Mouloudj Nos tentatives, hier, de joindre l'ancien ministre de l'Industrie, Abdesselam Bouchouareb, pour avoir sa version des faits se sont avérées vaines. Nos appels et nos messages, adressés à l'ex-ministre, sont tous restés sans réponse. M. M.